Depuis la Grande Nuit, Sheltel, l'île au centre du monde, héberge les derniers humains. Ses dirigeants en sont sûrs, puisque depuis des siècles seuls les Ashim, issus d'une île voisine, sont arrivés, peu après la catastrophe. Depuis, ils occupent une partie de l'île qui leur est réservée. Le jour où un navire étranger est discerné à l'horizon, Maloh, le dirigeant Ashim, le Natif et Arthur Pozar, représentant de la Bénie, discutent de l'accueil à lui réserver. Il est finalement décidé de le tenir à distance, par un mur d'eau créé par les sourciers, pendant trois jours.
Pour Erika, la vision de l'île est comme un mirage qui serait réel, elle pense que tout port lui serait bon. Elle ne supporte plus d'être l'attraction combattante de la capitaine Judith Kreed, qui a tué ses parents et lui tient lieu de mère depuis ses sept ans.
L'articulation du pouvoir sur Sheltel est bien décrite et personnalisée, entre le Natif, qui a un pouvoir surtout nominal et de représentation, entre autres grâce à la Main, qui détient les clés de la vie et de la mort, et la Bénie, soutenue par les plus pauvres qu'elle couvre de bénédictions et de largesses. La problématique de la survie dans le huis-clos d'une île refermée sur elle-même, avec des ressources et un pool génétique limités, comme les conséquences politiques de l'arrivée d'un extérieur finalement retrouvé, sont également abordées, même si esquissées à grands traits, au travers principalement des préoccupations de la Main, "la sorcière", dont les réflexions et décisions ouvrent et ferment ce roman. De la même façon, la dérive de l'évolution qui a eu lieu sur Sheltel, et qui éloigne ses habitant.e.s doué.e.s des peuples des continents, est figurée par l'incompatibilité de la "magie" shelte avec Erika, par exemple.
Les personnages, surtout féminins, sont diversifiés et intéressants, y compris ces personnages plus ou moins secondaires que sont Judith Kreed ou Talio. Leur évolution, comme la relation à ceux qui les entourent, et surtout le rapport de filiation, sont représentés par Nawomi, qui ne parvient à se dégager de sa mère qu'en le devenant à son tour, à la Bénie, qui ne se dégage pas de l'ombre de l'homme qui l'a élevée, en passant bien sûr par Erika, qui semble accepter le sort qu'elle refusait au début de l'histoire.
L'action est discrète, mais continue : il n'y a pas de grande scènes de bataille, mais des décisions prises et des combats, souvent sans merci, qui engagent la vie des individus. Pour ma part, j'ai été très rapidement prise dans l'histoire, écrite de surcroît d'une plume agréable et habile, riche sans excès, et j'ai lu rapidement ce roman tout à fait plaisant.
En somme, pour qui veut lire une bonne histoire de fantasy dans une ambiance post-apocalyptique, voilà une bonne indication, et pour ma part je trouve le prix obtenu par ce roman très mérité. Je ne manquerai pas de lire les publications suivantes de cette jeune autrice prometteuse.