Les Chroniques de l'Imaginaire

Le chant de l'épée (Les chroniques saxonnes - 4) - Cornwell, Bernard

Uhtred de Bebbanburg vit depuis deux ans à Coccham aux abords du Wessex où la Temse coule vers Lundene et la mer. Le roi Alfred l'a chargé de construire un nouveau burh, une ville fortifiée, avec une forte garnison pour dissuader les Danes d'envahir de nouveau son royaume. Plusieurs burhs sont ainsi érigés partout dans le royaume afin de gêner et freiner de nouvelles attaques des Norsemens. Le royaume est en paix avec eux, mais le roi se méfie car ils n'ont jamais renoncé à conquérir toute l'Angleterre.

De nouvelles troupes Danes ne cessent d'arriver à Lundene et empêchent le commerce sur la Temse avec le Wessex. Uhtred, retrouvant ses vieux réflexes de marin, décide d'attaquer leurs navires et de tous les massacrer pour leur montrer que c'est lui le maître sur ce fleuve.

Mais très vite, Alfred lui demande de renoncer à ces attaques pour ne pas provoquer ses ennemis. Uhtred se désespère ; lui, un seigneur de Northumbrie, un guerrier, est devenu un bâtisseur et un commerçant qui sert le roi non parce qu'il le veut mais parce qu'il lui a prêté serment. Car Uhtred déteste Alfred, et malgré cela, il reste fidèle à sa parole donnée. Pourtant les tentations sont nombreuses, les frères Thurgilson et Haesten qui sont les maîtres de Lundene lui ont proposé de s'allier à eux et de devenir roi de la Mercie. Après une longue hésitation, Uhtred est resté fidèle au roi.

Mais celui-ci va de nouveau lui imposer une situation frustrante : il lui ordonne de reprendre Lundene pour la donner à Aethelred, cousin d'Uhtred mais surtout le mari d'Aethelflaed, la fille du roi dont le destin est intimement lié au sien. Ce qui l'agace encore plus, c'est qu'il va être sous les ordres d'Aethelred, un homme fier et vantard mais pas un vrai guerrier ni un seigneur de guerre.

La situation va devenir tendue et inextricable pour Uhtred, qui va devoir faire des choix difficiles entre ses devoirs et son cœur.

J'ai retrouvé avec plaisir les aventures d'Uhtred, l'ealdorman sans terre, qui doit encore composer avec les décisions de son roi qui bien souvent vont à l'encontre de ses intérêts. On comprend sa frustration de servir un roi qui ne le considère pas vraiment à  sa juste valeur, et qui lui impose de risquer sa vie dans des exploits guerriers alors qu'il n'en tire presque aucune gloire. Certes, la fidélité de notre héros est plus ou moins fluctuante, mais dans les moments les plus difficiles il a toujours été là pour Alfred et a sauvé plusieurs fois le Wessex de la destruction.

Ce que j'aime dans cette saga, c'est que la vie d'Uhtred n'est jamais un long fleuve tranquille, il doit toujours faire face à des situations terribles où sa vie est en danger mais il doit aussi affronter la défiance du roi qui l'utilise pour les missions les plus périlleuses. On se demande à chaque fois si Alfred teste sa loyauté ou s'il cherche à s'en débarrasser, en profitant jusqu'au bout de son courage et de ses talents de guerrier.

Ce qui me plaît aussi, c'est qu'Uhtred est toujours partagé entre ses deux cultures et qu'on ne sait jamais laquelle va finir par prendre le dessus. De plus, il est toujours en quête de récupérer sa terre de Bebbanburg et à chaque aventure, on a l'impression qu'il s'en éloigne un peu plus. Va-t-il un jour récupérer ce qui lui appartient ?

Une fois de plus, dans cette quatrième aventure, un personnage féminin prend de l'importance : Aethelflaed. Bernard Cornwell aime donner un rôle important à une femme, qui souvent  au départ est plus ou moins soumise, voire victime, mais qui finit toujours par révéler sa vraie personnalité de femme forte et déterminée. On n'a pas la caricature à laquelle on peut s'attendre à cette époque, d'une femme apeurée et entièrement soumise à son mari et qui se pâme devant les chevaliers.

Alors oui, certains peuvent penser que le héros de ces chroniques est lassant car c'est un guerrier invincible au combat et qu'il est vraiment arrogant. Mais si l'on regarde bien, on constate qu'il a perdu beaucoup de ses proches et de ses illusions, qu'il a été réduit en esclavage, que cet homme a été dépossédé de son héritage et qu'il est peu considéré par un roi qui lui doit la vie. Je trouve plutôt que c'est un homme avec ses fêlures et ses faiblesses mais qui ne lâche rien, et qui décide toujours d'avancer au lieu de se morfondre.

Cornwell arrive à rendre compréhensible un contexte historique compliqué où les alliances entre les royaumes changeaient au gré des intérêts de chacun. Même si certains personnages sont imaginaires, la plupart sont réels et les faits relatés ont vraiment eu lieu et sont assez proches de la réalité historique.

Je n'ai pas lâché ce tome 4, il est efficace et se lit rapidement. C'est parfaitement adapté pour la télévision ou le cinéma, d'ailleurs la remarque de The Observer en quatrième de couverture est pertinente et résume parfaitement cette saga : "Game of Thrones dans le monde réel".