Ric-Ric est un pauvre homme qui, en cette année 1888, erre dans l'hiver froid des Pyrénées après avoir été battu et chassé. Il n'est pas vraiment innocent, c'est un alcoolique invétéré aux motivations révolutionnaires, qui prône un idéal communiste et qui commet de nombreux larcins.
Il trouve refuge dans un ostal, en pleine montagne, une sorte d'auberge qui accueille les montagnards de la région. Il devient le domestique souffre-douleur du patron et tombe amoureux de la jeune femme, Mailis, qui habite à proximité, dans un autre ostal, avec son jeune fils Alban.
Il travaille pour l'aubergiste, mais il ne vit pas dans l'auberge. Il est condamné à se calfeutrer dans une grotte, au creux de la montagne, où il cuve péniblement ses orgies de vincaud, une boisson locale à base de vin, qui se consomme froide ou chaude. Un jour, sous l'effet de l'alcool, empli d'amour après avoir parlé avec la jeune femme et obtenu d'elle un rendez-vous pour le lendemain, il lui arrive une chose étrange : un des nombreux champignons géants qui poussent dans la montagne se réveille. Et se met à le suivre partout.
Le champignon est plus grand que Ric-Ric, mais celui-ci comprend vite qu'il ne lui veut pas de mal. Toujours aviné, il prend contact avec l'étrange créature, et d'autres se réveillent.
Au fur et à mesure des événements qui vont alors se produire, des centaines de fungus (c'est comme cela que Mailis, qui est institutrice, appelle ces monstres) vont se mettre sous les ordres de l'ivrogne. Celui-ci, bien ébranlé par ses diverses expériences, ainsi que par le départ de la jeune femme, décide de mettre en marche son armée de fungus pour mener à bien la Révolution. Il pense détenir le Pouvoir que beaucoup recherchent car une légende situe justement ce fameux Pouvoir dans ces rudes montagnes.
La première partie du roman met en place les personnages, leurs caractères, leurs spécificités, et peut paraitre un peu longuette. On peut craindre que tout le roman ne soit qu'une succession de petites anecdotes vécues entre un homme et des champignons lui obéissant aveuglément et qui s'avèrent extrêmement dangereux et très difficiles à combattre. En effet, ils peuvent tuer un être vivant (homme, cheval, ours...) en quelques coups de griffes qu'ils possèdent en quantité incalculable.
Puis, au bout d'une centaine de pages, l'action se met vraiment en place et le roman devient très intéressant et très agréable à lire. Les fungus, par centaines, vont attaquer l'armée espagnole. Les actions vont s'enchainer, les rencontres vont être de plus en plus pittoresques, les personnages se dévoilent, d'autres personnages entrent en scène.
L'écriture est très intelligente car, de prime abord, ce roman peut paraitre un peu naïf, après tout c'est comme un conte, un homme et ses champignons géants, mais au final, c'est bien plus que cela. C'est une belle métaphore de la recherche du pouvoir, de ses dangers, de ses travers.
"Il avait toujours pensé que le Pouvoir était la magnificence, et Ric-Ric prouvait que non, que l'essence du Pouvoir n'était que la sottise de ceux qui obéissent."
Seul bémol, la traduction parfois maladroite, notamment ici (page 92) :
"Il entendit les cinq mots les plus redoutés des sujets espagnols :
- Halte, Garde civile !"
Je n'ai pas pour habitude de critiquer la traduction mais de telles maladresses sont dommageables à la qualité du roman car on peut présumer que, dans sa langue originelle, le roman doit dégager encore plus de puissance.
Un conte philosophique violent, mouvementé, animé, original, très agréable à lire et qui ne se laissera pas oublier de sitôt !