La revues Galaxies consacre son soixante-dixième numéro à l'auteur américain David Brin, au travers d'un dossier très complet mis sur pied par Patrice Lajoye. Celui-ci a également réalisé une interview avec l'auteur américain, où il est notamment question de son nouveau roman paru en français, mais aussi de ses prochaines parutions en anglais.
En collaboration avec Georges Bormand, il nous offre également un guide de lecture de l'œuvre de Brin traduite en français, cependant que le même Bormand s'est chargé tout seul d'analyser les idées politiques exprimées sur le blog de l'auteur et sa page Facebook. Dans son analyse de La jeune fille et les clones, Jeanne-A. Debats démontre de façon réjouissante (pour une femme, du moins) qu'un auteur masculin n'est vraiment pas le mieux placé pour écrire une utopie féministe qui réponde aux utopies féministes, quelque talent dont il soit doté par ailleurs.
Ce dossier contient également un texte de David Brin, dont la dernière publication en français remontait à trente ans, et qui paraît ici traduit par Sylvie Denis. Intitulé Ce qui continue... et ce qui échoue, il raconte l'évolution des rapports de deux femmes scientifiques quand l'une se trouve être enceinte, l'essentiel de l'intrigue étant consacré au trou noir gigantesque qu'elles sont en train d'observer afin de vérifier une hypothèse.
Jean-Michel Archaimbault poursuit dans ce numéro de la revue la présentation de l'œuvre de Robert Clauzel commencée dans le précédent. J'ai trouvé intéressant et instructif qu'il le fasse à la fois dans le contexte de son temps, avec les possibles influences, et qu'il en expose les forces et les faiblesses.
Bien sûr, ce numéro de la revue comporte également des nouvelles, d'auteurs tant nouveaux que chevronnés. On y trouve :
La dixième victime, de Jean-Pierre Andrevon : le jour de chasse annuel oppose chasseurs et proies tirés au hasard, tous deux armés. Cette année-là, Vania et Merad sont tous deux choisis. Le monde où se déroule la nouvelle, quoiqu'à peine esquissé, vu le format, est intéressant, même si, comme d'ailleurs le texte en général, il a un petit goût de déjà lu.
Orbiteur V244, de Claude Carré : à bord de son vaisseau en orbite (son "orbiteur", donc), Danny est chargé de vider l'orbite basse terrestre de ses multiples débris. Or, un jour, il s'en trouve un très différent des autres. Même si la fin de cette nouvelle est sans grande surprise, je l'ai néanmoins bien aimée, surtout pour sa vraisemblance à moyen terme.
Répétition, de Dean Whitlock : Daniel ne peut pas supporter sa culpabilité, ni d'être séparé d'Eve, aussi rejoint-il un ailleurs très différent. Ce texte, qui m'a paru typique de son époque, et des "années SIDA", fait inévitablement penser à Replay, de Ken Grimwood.
Lily, de Gènes Fajac et Nathalie Faure-Trudel : depuis que sa fille a disparu sous ses yeux, sur Mirontta, Lena ne vit plus que pour son souvenir, en oubliant son mari et leur seconde fille, clone de la Lily perdue. L'une de mes nouvelles préférées dans ce numéro, avec le thème difficile de la perte et de l'impossible remplacement d'un enfant. Et le clin d'œil fait à La Lune noire d'Orion, de Berthelot, n'a fait qu'ajouter à mon plaisir.
Dans le palais du Gnangnan, de Grégoire Kenner : il faut retrouver le grand dieu Gnangnan, qui a disparu. Aussi ses adorateurs, les Cryptoplases, font-ils appel à Timure, détective privé. Ce texte qui ne se prend pas au sérieux est bien écrit, dans le style des écrivains de l'âge d'or de la SF.
Proximité, de Vincent Petit : deux anciens amis se retrouvent après une éclipse de plusieurs années. L'un d'entre eux explique être sur le point de passer à une forme de vie différente. Une nouvelle bien écrite, agréable à lire malgré des personnages peu fouillés.
Eternité, d'Antoine Lagarde : après la mort de son fils Gabriel, Anna Dulac n'a plus de raison de vivre et décide de commanditer son propre meurtre, prévu pour le lendemain après-midi. Mais sa rencontre avec son ex-compagne change la donne peu avant. Je n'ai pas cru une minute à la fin de ce texte, qui m'a paru ôter toute vraisemblance aux personnages, et je le regrette parce que jusque-là, ça me plaisait bien.
Le Joueur du Louvre, de Pierre Gévart : le narrateur a la certitude que le jeu a toujours eu un rôle majeur, dans toutes les civilisations, et il a trouvé un moyen de démontrer son hypothèse, grâce à Rastinne, entre autres. Ce texte bien écrit et original, à l'humour discret, est l'un de mes préférés.
Un seul monstre vit dans la planète Mars, écrit par un auteur anonyme en 1909, expose l'hypothèse, présentée comme scientifique, qu'un organisme vivant couvre la planète rouge, et pourrait se développer sur Terre également. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que ce texte, avec son calmar géant, plairait bien à David Brin, et que de ce fait il convenait parfaitement à ce numéro de Galaxies qui lui est consacré.
Si on ajoute à cette chronique déjà copieuse les multiples critiques, notes de lecture et avis portant aussi bien sur le cinéma, les séries et la BD que sur les romans, recueils de nouvelles et essais, on ne pourra que tomber d'accord avec moi qu'un lecteur, surtout fan du créateur du cycle de L'élévation et du Facteur, ne saurait se passer de ce dernier numéro de la revue française.