Les Chroniques de l'Imaginaire

Feuillets de cuivre - Clavel, Fabien

Lors de sa première enquête, le tout jeune agent de la paix Ragon rencontre Lise, qui sera le seul amour de sa vie. Quoiqu'ancien soldat, il ne supporte pas bien la vue des cadavres, et accorde autant d'importance à la mort d'une prostituée qu'à l'inconduite d'un ministre, ce pourquoi son camarade Zehnacker lui prédit un pauvre avenir dans la police.

Toutefois, Ragon fait son chemin dans la hiérarchie, à la faveur d'enquêtes sur des morts étranges, dont les modes d'action évoquent le surnaturel, mais aussi la littérature. Ça tombe bien : le gros Ragon a tout lu, et apparemment tout absorbé.

Un jour, toutefois, il rencontre son Moriarty sous la forme d'un monstrueux assassin pour qui la vie humaine n'a apparemment aucune valeur, et qui semble tout savoir de lui et de son passé.

Pendant toute la première partie, ce roman fait plutôt penser à un fix-up, étant donné que les enquêtes semblent se succéder au fil du temps sans véritable lien entre elles, autre que le personnage principal, dont on suit au fur et à mesure la carrière et la vie conjugale. Chaque enquête est intéressante à sa propre façon, cela dit, et pour tout gros lecteur ou grosse lectrice la référence constante à la littérature est un bonus. Cela dit, même si on n'a pas toutes les références des oeuvres citées, explicitement ou pas, cela n'empêche pas de suivre l'intrigue. Pour ma part, j'ai découvert en lisant la postface que j'avais raté plein de choses, mais honnêtement je n'ai pas eu l'impression que ça m'avait manqué.

J'ai été impressionnée par la façon dont, en deuxième partie, l'auteur "emballe" son histoire en regroupant au fur et à mesure tous les fils. Je ne l'avais pas vraiment vu venir, et j'ai trouvé que c'était parfaitement fait. Ce changement de style relance complètement l'intérêt de l'oeuvre, en plus de la faire entrer dans un autre genre. A ce propos, j'ai bien apprécié l'habileté de l'auteur pour flirter avec les tropes à la fois du steampunk, du fantastique et du polar.

Comme de juste, le personnage principal lui-même est un composite littéraire, dans lequel j'ai retrouvé Hercule Poirot, pour les célèbres "petites cellules grises", Nero Wolfe pour l'embonpoint, et Mycroft Holmes pour la même chose, et pour la vaste culture, ainsi bien sûr que le frère de ce dernier pour l'attention portée aux détails. Avec tout cela, Fabien Clavel réussit à créer un personnage original et touchant, par son humanité et son amour exclusif pour sa Lise, avant même la révélation finale. De la même façon, le diabolique Anagnoste a plus de facettes qu'on n'aurait pu le croire à sa première apparition.

En somme, cette oeuvre originale mérite totalement le détour, surtout si vous aimez les classiques du XIXe siècle (Dumas, Hugo, Sue...), si vous avez envie de lire du steampunk situé à Paris, pour changer, et si vous aimez le mélange des genres bien fait.