Les Chroniques de l'Imaginaire

Les mois d'avril sont meurtriers - Cook, Robin

Avec cette réédition, Folio nous permet de découvrir le deuxième opus de la série consacrée à l’Usine, surnom donné au commissariat de Poland Street, où travaille le narrateur. On ne connaîtra de lui jamais son nom, seulement sa fonction de sergent dans le Service des décès non élucidés. C’est peu, mais c’est là tout le talent de Robin Cook (l’Anglais, pas l’Américain) qui arrive à imposer dès les premières pages un personnage atypique qui nous embarque immédiatement dans une histoire sombre, poisseuse et sacrément anxiogène.

Nous sommes en 1983 et l’enquête commence par la découverte d’un cadavre dont la carcasse a été bouillie, désossée puis répartie dans quatre sacs en plastique, sciemment alignés, dans un vieil entrepôt au bord de la Tamise. Devant cette scène de crime, qui en rebuterait plus d’un, notre sergent va, lui, rigoureusement reconstruire les différentes étapes de la recette en se mettant dans la peau du tueur.

On entre dans les rouages de ses réflexions, crues, macabres mais efficaces puisqu’elles livrent très rapidement un profil compatible. Pas de temps à perdre, l’auteur du crime est ainsi très vite suspecté et trouvé. Et surtout, il a un nom : McGruder. Il ne s’agira pas de l’enfermer tout de suite, mais plutôt au contraire de le travailler avec acharnement, tel le jeu du chat et de la souris, afin qu’il révèle d’autres noms. Des noms clés dans une intrigue à tiroirs qui va remonter jusqu’à une affaire d’espionnage politique, relégué en second plan et sur fond de vieilles rancœurs avec l’URSS (on est vers la fin de la guerre froide).

Pourtant ça marche, c’est prenant et ça reste cohérent notamment grâce aux nombreux dialogues qui viennent rythmer les rencontres. Des tirades aussi poétiques que désenchantées, entremêlées à des souvenirs de la vie personnelle du sergent, qui permettent de mieux cerner ce justicier solitaire. Insolent, à la fois désabusé mais têtu, avec une répartie qui ne laisse pas de marbre. On comprend d’ailleurs pourquoi Bertrand Tavernier s’en est emparé afin de l’adapter et de l’incarner sous les traits de Jean-Pierre Marielle !