Greer Walsh a seize ans et une vie qui serait banale si elle n’était pas autant encombrée par Marthe et Maïté. Marthe et Maïté, c’est le nom qu’elle a donné à chacun de ses seins quand ceux-ci se sont imposés de plus en plus dans sa vie, au point de devenir problématiques : mal de dos, chaleur, volume, difficulté à trouver des vêtements et encore plus des sous-vêtements adaptés, ses seins sont devenus une calamité pour Greer.
Vous ajoutez à cela une mère accro à son poste d’assistante mutation dont l’activité consiste à accueillir du mieux possible les familles qui viennent s’installer dans la région pour leur travail. Et un petit frère qui ne comprend pas les principes d’hygiène basiques, et un père qui aime regarder les émissions culinaires à la télévision, et vous avez un assez bon aperçu de la famille de Greer.
Sa mère demande régulièrement à Greer de l’accompagner dans ses premiers rendez-vous, afin de faire connaissance avec les enfants des nouveaux arrivants. Greer déteste ça, d’autant plus que la plupart des nouvelles têtes n’en ont, en général, strictement rien à faire d’être accueillies par elle ou quelqu’un d’autre. Jusqu’au jour où c’est la famille Oates qui arrive au café où ils ont rendez-vous et où Greer fait la connaissance de Jackson.
Jackson, contrairement aux autres adolescents qu’elle a dû supporter lors de ces rencontres informelles, s’intéresse à Greer et se révèle drôle et intéressant. Et il accepte avec bonne humeur d’être aidé par la jeune fille pour ses premiers jours au lycée. Plus tard, c’est lui qui va l’encourager, elle, la forte en maths, à intégrer l’équipe de volley du lycée.
Greer est aussi affublée d’une meilleure amie, Maggie, qui est une révoltée dans l’âme. Tout est prétexte pour se colleter avec au choix : l’autorité, les garçons, l’injustice, les profs… Tous les sujets, pour elle, sont sujets à polémique.
Alors, ce livre est pour moi un grand coup de cœur. Quand je l’ai commencé j’avoue que j’étais un peu dubitative. Le premier chapitre est très convenu, avec la rencontre de Greer et Jakcson, et je me suis dit « Bon, encore un énième livre pour adolescent qui va tourner autour de « je l’aime, je l’aime plus, il m’aime ? Il ne m’aime pas ? » mais finalement pas du tout. Évidemment qu’il y a des passages de ce genre, mais ils ne sont pas le sujet principal du livre, et Greer, même si elle passe beaucoup de temps à penser à Jackson, n’en fait pas le centre de son univers.
Car dès le second chapitre tout change. Greer commence à parler de ses seins qui deviennent très rapidement des personnages à part entière dans l’histoire, et de tout ce qu’elle subit à cause d’eux. Elle en parle avec un recul et un humour assez ravageur, mais on sent tout de même que c’est une souffrance d’être affublée d’une poitrine imposante.
L’écriture de l’autrice est très fine. En partant de ce problème physique réel, elle arrive à l’élargir sur l’acceptation de soi dans sa globalité, et comment faire pour arriver à le faire sous le regard des autres. Car c’est le thème de fond du livre. Et contrairement à beaucoup de livres de ce genre, l’héroïne ne se contente pas de soupirer ou de chouiner sur ses problèmes, elle essaie de les prendre à bras le corps et d'avancer. Et cela ne se fait pas en quelques lignes ou quelques pages dans le dernier chapitre.
Et c’est cela que j’ai trouvé intelligent et bien écrit. Parce que Laura Zimmermann réussit à décrire d’une façon à la fois très juste et de manière très drôle la période compliquée que peut être l’adolescence du côté des filles. Elle nous montre que le jugement le plus impitoyable est celui qu’on se porte à soi-même, tandis que les personnes de l’entourage sont là pour encourager et supporter.
C’est pour cela que j’ai adoré la sororité des camarades de Greer. Que ce soit Maggie toujours prête à prendre position, ou encore Jessa, la capitaine de l’équipe de volley, sans compter l’entraîneuse de volley ou encore la prof de couture, toutes les filles se serrent les coudes et s’entraident, comme une équipe. Elles sont ultra solidaires et font front quand l’une d’entre elles a un problème.
Les autres points intéressants de ce livres sont multiples. L'autrice aborde pêle mêle les solutions qui existent quand on a une poitrine imposante (y compris la chirurgie), les règles, le féminisme, et elle effleure énormément de sujets sans forcément les mettre en avant, mais juste parce qu'ils font partie de la vie et surtout de l'adolescence.
Ce livre est résolument écrit de manière ultra positive, mais sans chichi, et sans pathos trop appuyé. Offrez-le à vos adolescentes, lisez-le, faites-le connaître, c’est une vraie pépite de littérature et j’ai passé un excellent moment de lecture : la preuve, je l’ai lu d’une seule traite parce que je voulais savoir comment l'autrice allait écrire la fin de cette histoire. Et je n'ai pas été déçue.
