Les Chroniques de l'Imaginaire

La mauvaise fortune de Thomas Shaper (Jukebox Motel - 1) - Graffin, Tom & Duvoisin, Marie

Thomas James Shaper est un Québécois dont l'avenir était tout tracé, au sein de la ferme familiale. Son père est le plus gros producteur de fraises du pays, et il était évident pour lui, sa femme, et la sœur de James que ce dernier allait reprendre la gestion de l'exploitation. Mais Thomas en a décidé tout autrement : ce qui l'intéresse, c'est l'art, et la peinture plus particulièrement. C'est à l'âge de vingt-quatre ans qu'il trouve le courage d'en parler à ses parents, qui n'approuvent absolument pas. Pour autant, c'est décidé : Thomas part pour New-York avec ses quelques économies pour vivre de son art...

L'ambiance familiale, en partant, n'était pas vraiment au beau fixe, mais pour autant Thomas s'accroche, même si ses premiers tableaux ne sont pas franchement compris par le public new-yorkais de l'époque. Seul un personnage du nom d'Andy Warhol accorde un peu d'intérêt à certaines toiles. Mais cela reste insuffisant. Bientôt, Thomas fait la connaissance de la jeune Joan, qui écrit des chansons à vendre à d'éventuelles futures stars. Les deux jeunes artistes tombent amoureux, et décident de parler d'Indamour, un mélange d'amour et d'indépendance. Un concept dont ils écrivent les règles noir sur blanc...

Et le succès ne va pas tarder à être au rendez-vous, un soir où Thomas perd ses nerfs, et démolit littéralement son atelier. Il en résulte une toile incroyable, qui relance immédiatement l'intérêt d'Andy Warhol. Ce dernier rachète la toile pour une petite fortune, et un immense molosse qui accompagne Andy fait une commande de dix tableaux du même niveau à Thomas, dont le nom d'artiste devient Robert Fury. La petite fortune amassée instantanément provoque la séparation momentanée de Joan et Thomas, qui préfère se rendre à Los Angeles afin de ne plus avoir affaire avec Andy et son molosse...

Et une seconde rencontre étonnante va avoir lieu, dans un bar proche de Los Angeles, complètement par hasard. Thomas y fait la connaissance de Johnny Cash, tout simplement. L'homme en noir est en plein succès, après avoir démarré des concerts dans des prisons, dont celle de Folsom, rendue célèbre grâce à lui... Johnny Cash a lui aussi du mal à faire face au succès qui entoure chacune de ses chansons... Il demande à Thomas de lui trouver un endroit tranquille, un endroit où il est possible de se ressourcer, sans avoir à affronter la foule, les regards, les journalistes, ou encore les fans... Thomas le prend immédiatement au sérieux, et ne tarde pas à trouver un endroit qui a cette magie, sur les conseils du barman, Wallace Ramage...

Ce premier tome de Jukebox Motel est une franche réussite ! Tout d'abord, le scénario intrigue, entre la tranche de vie, et ce qu'il faudra bien appeler un road movie : Thomas Shaper est un personnage qui nous fait voyager dans ce premier tome, entre sa ferme familiale au Québec, New-York, puis Los Angeles. Le personnage est immédiatement attachant, et ce déjà avant qu'il ne fasse la rencontre de Joan, ou encore de Johnny Cash...

A travers ce récit de Tom Graffin, c'est un peu de l'Histoire des Etats-Unis dont il est aussi question dans ce tome, entre l'émergence de l'art avec Andy Warhol, et ce musicien qu'on aura déjà eu l'occasion de découvrir pour les plus jeunes générations, avec le magnifique Walk The Line, qui m'a personnellement beaucoup plu. Le livre est d'ailleurs l'adaptation d'un roman du même nom, de Tom Graffin lui aussi, avec la promesse de découvrir le secret le mieux gardé de Johnny Cash.

Au niveau des dessins, c'est avec plaisir qu'on retrouve les traits fins et détaillés de Marie Duvoisin, qui signe là sa seconde bande dessinée chez Grand Angle, après le très beau one-shot Nos embellies, qui était paru en 2018. C'est encore une fois vraiment fin et détaillé : les personnages sont soignés, avec des expressions vraiment convaincantes. Et il en est de même pour les décors, évidemment variés, qui sont également une belle réussite.

Ce premier tome de Jukebox Motel pose des bases solides pour ce qui sera un diptyque, avec cette étrange relation entre un jeune Québécois et la légende Johnny Cash : on en redemande, vivement la suite !