Kelsie doit absolument rejoindre sa mère qui vit à Staten Island alors que le pays plonge dans un chaos dévastateur. Elle espère arriver à destination grâce à l’aide de Curt, son meilleur ami, accompagné de son chien Flash. En chemin, ils doivent récupérer Julian, le frère de Curt, qui est aussi en danger.
Hélas, ils ne sont pas les seuls à avoir besoin de se déplacer et ils en font l’amère expérience lors d’une halte. Heureusement pour eux, Josh Turner, ancien capitaine de l’armée, leur sauve la mise accompagné par les hommes de son unité.
C’est le coup de foudre entre Kelsie et Josh, mais ils savent tous deux que leur relation est sans avenir.
Bon autant dire que je partais avec un a priori assez négatif sur ce livre et, hélas, je n’ai pas eu l'occasion de changer d'avis. Le pitch pouvait sembler sympa au départ. Un mystérieux événement, des choses qui semblent dramatiques, un couple improbable qui se forme, ça aurait pu être bien.
Oui mais.
Pour commencer, les personnages manquent cruellement de profondeur. Kelsie n’a aucune personnalité, et l’autrice la cantonne au rôle de « fille qu’il faut sauver / petite chose fragile » pour 98% du temps. Avec les poncifs : elle fait la cuisine, elle fait la vaisselle, elle fait la lessive, elle est « maternelle », il faut l’aider, il faut la sauver, pendant que les hommes vont couper du bois, chasser dans la forêt et pêcher dans la rivière. Un petit air de La petite maison dans la prairie, mais sans Nelly Oleson pour nous faire rire.
Le seul moment où elle se montre héroïque, il faut que les hommes viennent à son aide car elle ne peut pas se débrouiller toute seule pour finaliser son acte courageux. Et en plus, elle se prend une soufflante de la part de Josh parce qu’elle n’a pas été prudente (vous le sentez, le poids du patriarcat, là ?).
Ah et évidemment, elle est face à un groupe d’hommes qui sont tous grands, musclés, militaires, qui savent se battre, se débrouiller, survivre dans la forêt, dans le désert et sans doute dans la jungle, qui savent tirer, soigner (oui, y’a un medic dans le groupe, pratique pour l’histoire), chasser, etc. Bref. Des mâles dans toute leur splendeur. Et qui pensent à tout. Toujours. Qui ne font jamais d’erreur.
On se retrouve donc avec un mauvais mélange entre Armageddon, Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare, le tout saupoudré de quelques allusions à Mad Max, ce qui donne un gloubiboulga un peu indigeste car très mal maîtrisé.
La seule scène qui peut être sauvée, ce sont les retrouvailles avec la mère, à la fin. Tout le reste souffre d’un cruel problème de narration. Les événements se déroulent les uns derrière les autres, sans que cela semble avoir un réel impact sur les protagonistes. C’est peut-être voulu. Mais les interrogations existentielles de Kelsie, et ses réflexions sur les réactions des gens face aux événements, tombent souvent à côté de la plaque et ne débouchent sur absolument rien de concret.
Justement, en parlant d’à côté de la plaque, je tiens à souligner que le niveau de langue employé dans ce livre est soumis à de fortes variations et tombe souvent dans le vulgaire. Alors oui j’ai compris que pour une bonne partie c’était pour mieux coller aux pensées des protagonistes, mais même dans la narration on frôle le ras des pâquerettes. Par exemple, lire des phrases de descriptions qui commencent par « Du coup » m’a donné l’impression de parcourir la rédaction d’un élève moyen de 5ème. Et, en règle générale, pour bien démarquer les pensées des descriptions, les auteurs font des efforts pour augmenter le niveau de langue, là non.
En fait, j’ai eu l’impression de lire une histoire écrite par quelqu’un pour la faire lire à son cercle de potes déjà conquis. Cela donne une histoire plate, sans réel rebondissement, où on comprend vite que les quelques péripéties seront, quoiqu’il arrive, surmontées avec brio (même le chien a son instant de gloire et personne ne le lui reproche, à lui !).
Sans compter le manque de recherche et donc d’informations pour beaucoup de passages (hormis pour le blizzard, là l’autrice nous a étalé sa science sur toute la durée du truc, j’ai eu l’impression de lire le guide « Tout ce qu’il ne faut pas faire quand on est coincé dans un blizzard »). Donc non on n’arrive pas à chasser, dépecer, faire sécher et saler du gibier en une seule après-midi (sans compter qu’il a fallu couper le bois et aller chercher l’eau), non on n’écrit pas « Rodgers » quand on veut dire « Roger » pour utiliser un terme militaire, et non on ne saisit pas quelqu’un par le « coltard » mais par le « colbac ». Et en plus ça s’écrit « coaltar ». Et il existe d’autres adjectifs que « renflée » pour qualifier une bouche. Si. Si. (Et encore, je ne mets pas tout ce que j’ai relevé, sinon cette chronique ferait beaucoup trop de mots. Déjà que…)
Ajoutons à cela un abus des parenthèses qui tombent comme un cheveu sur la soupe, l’italique qui subit le même sort, les !!!? pour montrer la colère (non mais on sait lire, un seul ! suffit en typographie). Un exemple ? « Une petite admiration (malvenue) l’envahit avant qu’il ne se force à se concentrer sur le temps qui se transforma bien vite en un véritable enfer. »
Ah et pour terminer, j'ai noté à plusieurs reprises l’utilisation de « Vingt dieux » qui 1) n’est absolument pas américain 2) complètement anachronique 3) et systématiquement mal employé dans le récit. Mais ça m’a fait rire tellement c'était improbable. Donc juste pour ça, merci.
J’aurais aimé avoir plus de choses positives à dire sur ce livre, mais il souffre de beaucoup de défauts que le travail éditorial n’a absolument pas gommés. J’ai passé une bonne partie de ma lecture à attendre que Kelsie prenne enfin les choses en main, et j’ai été déçue. Si on enlève le contexte, on se retrouve avec une héroïne façon Barbara Cartland, qui a forcément besoin d’un homme pour la protéger. Et en 2021, c’est un concept un peu dépassé, non ?
(ah et si quelqu’un veut évoquer les scènes de sexe, elles aussi étaient décevantes. J’ai eu l’impression de lire un blog d’adolescente en chaleur qui ne sait même pas écrire clitoris en entier).