Le clan Akakuchiba règne sur la petite ville japonaise de Benimidori, située à la fois aux pieds des montagnes et au bord de la mer. Grâce à leur aciérie et à l’essor de la sidérurgie après la seconde guerre mondiale, ils font vivre une partie de la population de la ville.
Man’yô, une petite fille, a été recueillie par un couple du village. Elle ne ressemble pas du tout aux gens du coin, et tout le monde sait qu’elle a passé ses premières années dans la montagne, même si personne ne sait pourquoi ni par qui elle a été abandonnée. Elle grandit au sein de sa nouvelle famille en leur cachant qu’elle a des visions très précises de l’avenir, un don qu’elle gardera toute sa vie.
Quand la Grande Dame de la maison Akakuchiba choisit Man’yô pour épouser son fils, c’est l’étonnement général. Néanmoins, devant l’insistance de sa belle-mère, elle prend place au sein de la famille, et donne naissance à plusieurs enfants. Son second enfant, Kemari, se révélera être une fille rebelle, qui, dès l’adolescence prendra la tête d’une bande de filles à moto.
Celle-ci aura une fille, Tôko, qui deviendra la narratrice de toute l’histoire de sa famille.
J’ai choisi ce livre car je connais mal l’histoire du Japon, et que le poncif « entre tradition et modernité » qu’on retrouve partout dans les articles sur ce pays me sort un peu par les yeux tellement il est galvaudé et devenu inexact. Grâce à ce roman, j’ai pu plonger dans ce qu’a pu être la vie dans une petite ville japonaise après la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 2000 et j’ai vraiment beaucoup aimé.
A travers trois générations de femmes, on découvre l’histoire d’une famille qui subit de plein fouet les aléas des différentes crises qu’a connu la sidérurgie au Japon. Passant d’un art familial et artisanal, le tatara, à un haut fourneau et à une production plus massive, l’entreprise et la famille Akakuchiba doivent s’adapter à tous les changements qui se produisent. Par exemple avec le premier choc pétrolier, car c’est là que les Japonais ont découvert que des conflits dans des pays lointains pouvaient avoir un très lourd impact négatif pour leur économie.
Si les femmes n’ont pas de prise directe avec les affaires, elles sont néanmoins les personnes les plus importantes de la grande maison et Man’yô est très vite reconnu comme étant « la voyante », ce qui lui apporte un statut un peu particulier.
Quant à Kemari, j’ai découvert à travers elle toute une jeunesse japonaise capable de violence et éprise d’une liberté qu’elle n’hésite pas à revendiquer.
Tôko, la fille de Kemari semble être la plus perdue dans la vie qu’elle devra mener. Elle se décrit elle-même comme n’étant absolument pas spéciale.
Sous la plume de Tôko, on suit donc le destin de ces trois femmes et l’histoire générale de cette famille, qui se révèle à la fois hors du temps et plongée dans la modernité par la force des choses. Mais loin de se lamenter, les différents membres de la famille tentent d’avancer ensemble, et c’est ce que j’ai trouvé intéressant, en plus de la narration pleine de descriptions de l’autrice.
Sous sa plume, on peut imaginer très facilement la ville, le haut fourneau, la grande maison, les virées à moto de Kemari, et on ressent souvent la tendresse qu’elle a pour l’histoire qu’elle raconte et les personnages qui la peuplent.
Un excellent roman qui flirte parfois avec le surnaturel, ce qui nous montre bien que même si le Japon a évolué en même temps que le reste du monde, certaines de ses croyances ancestrales demeurent encore présentes et servent le récit à leur façon. Une très jolie réussite, et une histoire passionnante à lire.