Les Chroniques de l'Imaginaire

Grish-Mère (Les Rhéteurs - 2) - Bauthian, Isabelle

Ce roman est la suite de Anasterry, paru en 2016, mais il peut se lire de façon totalement indépendante, ce que j'ai fait.

Sylve est un jeune factotum fugitif. Il s'est échappé de la maison de son maître pour retrouver la statuette qui a été volée, vol dont il a été accusé à tort. Il veut laver son honneur car jamais un factotum ne vole ; mais jamais un factotum ne s'enfuit non plus. L'école prestigieuse des factotums a envoyé des sbires sur ses traces et il doit tout faire pour leur échapper tout en essayant de retrouver la statuette et son véritable voleur.

L'école forme des jeunes gens, très rarement des jeunes filles, à l'honorable métier de factotum, c'est-à-dire serviteur. Mais ce n'est pas qu'un simple domestique. Un factotum apprend également des techniques de combat qui le rendent très dangereux à affronter. Ils apprennent à observer, analyser, sans juger, ils apprennent également à parler un langage très ampoulé.

Et Sylve est une bonne recrue. Aussi, même fortement blessé, même avec une violente fièvre, il réussit à éliminer une vingtaine de malandrins qui voulaient s'en prendre à lui. Bien mal en point, il réussit à atteindre le village de Grish-Mère juste avant que les marées montantes isolent la communauté pour quelques semaines. A Grish-Mère, il va rencontrer Thélban, le chef de la Guilde des Épiciers, la guilde la plus puissante. Ceux-ci veulent venger un de leur membre qui a été tué par Sylve lors de l'attaque dans les bois. Mais quand ils se rendent compte qu'ils ont affaire à un factotum, ils décident de le garder en otage. Un factotum est un atout dans une troupe. Ils le tiennent sous leur coupe grâce à un habile empoisonnement. Tous les jours, quelqu'un lui donnera une fiole d'antidote à boire. Sans cela, il mourra.

Sylve ne sait pas s'il a réellement été empoisonné ou si c'est un leurre. Mais il a également besoin des guildiens pour l'aider à retrouver la statuette, et pour l'aider à combattre ceux qui veulent le tuer, les sbires de l'école.

Grish-Mère est une baronnie pas comme les autres. En effet, dans Grish-Mère ce sont les femmes qui commandent, qui occupent les postes-clés. Même les rituels religieux, menés par des femmes, sont basés sur le cycle féminin. Le langage est féminisé également pour certains mots qui n'existent plus qu'au féminin, comme par exemple "gentes" au lieu de "gens". Et c'est difficile pour Sylve, car il est plutôt misogyne. Mais il devra s'y faire, surtout s'il doit faire équipe avec Céleste, la musicienne, et la mystérieuse Constance, la femme du chef de la Guilde.

Le personnage principal, Sylve, n'est pas toujours un vrai héros, surtout avec ses idées misogynes et son complexe de supériorité dû à son éducation stricte de factotum dans la fameuse école de Landor, mais au fil des pages, en plongeant au cœur de ses pensées, de ses souvenirs d'école, on s'attache à lui.

Les chapitres à Grish-Mère sont entrecoupés de chapitres plus courts racontant, quelques années auparavant, les années d'école de Sylve. Cela nous permet de mieux comprendre ses raisonnements, son fonctionnement.

C'est un roman agréable à lire, vivant, plein d'actions et de rebondissements. Féminisme, magie, discipline, combats, sorcellerie, le lecteur va de surprise en surprise. Le style est recherché, rythmé, l'écriture est intelligente et maîtrisée, même si l'autrice abuse vraiment du terme "mirettes" pour désigner les yeux. Une fois de temps en temps, pourquoi pas, mais pas systématiquement ! Mes mirettes n'en pouvaient plus ! Le langage est réaliste, vivant, il y a parfois des gros mots, des insultes, mais c'est justement ce qui donne de la vie aux dialogues. c'est "la vraie vie". Le langage ampoulé de Sylve, qu'il laisse tomber par nécessité au fil du temps, est très drôle.

J'ai passé un bon moment (malgré mes mirettes légèrement égratignées !) et je lirai volontiers les autres tomes de cette série (trilogie ?) qui peuvent se lire indépendamment.