Le baron Jago de Montès est mort au pire moment qui soit, alors que la guerre est ranimée entre les Civilisés et les mi-hommes d'Outre-Civilisation, après quarante ans de paix. Il est vrai qu'il n'y aurait pas eu de bon moment pour cette mort, de toute façon, étant donné que son fils aîné, son héritier, est un imbécile aussi ambitieux que cruel. Comme la troisième province est perdue, et que les autres baronnies répugnent à envoyer les renforts dont Montès a pourtant urgemment besoin, il autorise une ambassade non officielle auprès de sages mi-hommes ouverts à des pourparlers de paix.
C'est ainsi que Thélban Acremont, le dirigeant de la guilde des épiciers, se lance dans une chevauchée pleine de dangers avec Oditta d'Anoss, l'épouse de Renaldo de Montès, frère cadet du nouveau baron. Cette jeune femme habituée à se considérer comme aussi sotte que l'opinion des autres la fait, et tenue pour quantité négligeable par tous, est prête à tout pour éloigner du danger de la guerre le mari qu'elle aime. Pendant les semaines de voyage, elle affrontera courageusement non seulement les dangers, mais aussi le persiflage incessant de Thélban, la crasse et la faim, et se découvrira plus importante, et plus diplomate, qu'elle n'aurait jamais pensé l'être.
Chaque tome de la série peut se lire indépendamment des autres, et ce dernier ne fait pas exception. On y retrouve non seulement l'univers mis en place dans Anasterry ou dans Grish-Mère, mais aussi certains des personnages que l'on y avait déjà croisés, tels, ici, les jumeaux Acremont.
Il n'y a pas de héros dans cette histoire : les frères de Montès ne sont pas beaucoup plus malins l'un que l'autre, si l'aîné est une brute plus antipathique encore que son cadet falot ; Thélban a un caractère trop fuyant pour être aimable, et Oditta a une si mauvaise opinion d'elle-même qu'il est difficile de l'apprécier véritablement. C'est toutefois le personnage qui évoluera le plus au cours de l'histoire, mais il est vrai que c'est celui dont les circonstances changeront le plus.
Comme dans le roman précédent, la narration alterne entre passé et présent, ce qui permet de voir les personnages avancer en âge, dans le cas des plus jeunes, mais qui a l'inconvénient d'induire des ruptures de rythme qui m'ont rendu difficile d'entrer véritablement dans l'histoire. L'action est présente dans les deux trames temporelles, et l'on ne s'ennuie pas.
J'ai été agacée à plusieurs reprises par des fautes de français : des navires ne sont pas "délayés" par une tempête, ils sont retardés ; un ministre peut paraître anéanti, mais ne "paresse" pas anéanti en conseil... Toutefois, pour des lecteurs ou lectrices moins pointilleux que moi, et qui auront aimé les tomes précédents et l'univers mis en place par l'autrice, ce nouveau roman de la série est sans doute une bonne indication.