1853, René Devoise, fils de paysan dans la Creuse, est tiré au sort pour effectuer son service militaire. Son régiment est envoyé en Crimée pour combattre l'armée russe, il en reviendra avec une médaille et un moulin à café dérobé à Sébastopol. Après l'armée, de retour dans la Creuse, il rencontre Annette, ils se marient et ont un premier enfant. Par manque de travail, René part à Paris comme travailleur saisonnier, les maçons et ouvriers creusois étant réputés travailleurs et courageux, ils sont fortement demandés pour la construction du nouveau Paris.
Chaque automne, il rejoint sa terre natale pour retrouver sa famille. Après quelques années, toute la famille le rejoint à Paris pour s'y installer définitivement. Que reste-t-il de René après cent-cinquante années ? Un vieux carnet et quelques bribes de souvenirs qui s'effacent petit à petit au fil des générations. Nous allons suivre l'histoire des descendants de René jusqu'à la fin du vingtième siècle, grâce à leurs souvenirs nous allons traverser les époques, les événements tragiques du monde et voyager jusqu'à Madagascar.
Ce livre, qui n'est pas vraiment un roman, nous emmène dans une histoire où se mélangent le récit familial, l'Histoire, et les souvenirs des protagonistes qui ponctuent chaque chapitre. De plus, pour nous faciliter la compréhension, Sylvain Ouillon plante des bornes qui permettent de relier l'histoire familiale avec les événements mondiaux. Ce qui est intéressant dans cet ouvrage, c'est qu'il s'agit aussi d'une réflexion sur la mémoire et les souvenirs qui perdurent de l'histoire familiale. Tous les personnages donnent leur point de vue sur les événements qu'ils ont vécus, et l'on se rend compte parfois que le souvenir qu'ils en ont n'est pas toujours le même. Comme les souvenirs sont transmis de génération en génération, ceux-ci s'altèrent et l'on finit par ne plus savoir ce qui tient de la réalité ou de la légende.
Durant les cent cinquante premières pages, j'ai eu un peu de mal à suivre cette histoire car trop de personnages se mélangeaient et leurs vies ne m'ont pas particulièrement passionné. A deux doigts de décrocher complètement, les personnages de Lucien et Simone m'ont rattrapé in extremis. Grâce à eux j'ai voyagé jusqu'à Madagascar, je les ai accompagnés lors de leur traversée pour rejoindre cette île, j'étais à côté d'eux pour leur découverte de ce nouveau monde et de cette nouvelle vie, là aussi pour les débuts de leur vie à deux. Cela a été un plaisir de les suivre durant leur vie qui a été celle d'expatriés dans les colonies, de découvrir ces contrées exotiques et mystérieuses pour des Français de l'époque, de les accompagner au fil des soubresauts du monde. Pour ceux qui ne se sont jamais interrogés sur l'origine de leur famille, ce livre peut permettre de comprendre les difficultés de la vie aux XIXème et XXème siècles et qu'il peut sembler parfois miraculeux que des familles aient pu perdurer jusqu'à nos jours.
Dans la construction du livre, j'ai un peu moins apprécié les réflexions des protagonistes qui sont le plus souvent peu passionnantes et qui m'ont rapidement lassé. La narration se fait tout en douceur et l'on ressent l'affection de l'auteur pour chaque personnage de sa saga familiale, car jamais il ne juge les propos de ses ancêtres, qui sont ceux de Français de l'époque.
Ce livre nous fait réfléchir à notre propre histoire familiale, qui pour beaucoup d'entre nous rejoint par certains aspects celle de cette famille. Combien de familles françaises se sont construites sur un tel schéma ?
C'est un récit familial, parfois ennuyeux, parfois passionnant, comme toutes les histoires de familles, mais qui ne laisse pas indifférent.