Les Chroniques de l'Imaginaire

Je suis Providence - Joshi, S.T.

De sa naissance à sa mort, la vie de Lovecraft aura toujours été hors des sentiers battus. Enfant solitaire élevé par sa mère et ses tantes, avide de connaissances, il écrit ses premiers poèmes à six ans, découvre les œuvres d’Edgar Allan Poe à huit, se passionne pour l’astronomie, la chimie et est fasciné par les expéditions polaires et l’histoire antique. Durant son enfance et son adolescence, il crée plusieurs magazines à propos de différents sujets qu’il vend à sa famille et sans doute aux voisins. Il se targue même d’avoir une station météorologique et des prévisions plus performantes que celle du journal local !

Lovecraft est aussi un grand lecteur. D’une santé apparemment fragile, souvent atteint d’épisodes dépressifs (sa mère pourrait en être en partie la cause), il passe énormément de temps chez lui, et ne va à l’école et au lycée que de façon sporadique. Il ne finira d’ailleurs jamais sa dernière année et ne mettra jamais les pieds à la faculté.

Bien qu’il soit très érudit dans plusieurs domaines, il est parfaitement conscient que toutes ses connaissances ne font pas de lui quelqu’un d’employable. Il n’aura, de toute sa vie, que de rares emplois pas très bien payés (il corrigera, par exemple, des copies d’arithmétique pour quelques cents la copie). Sonia Greene, qui sera brièvement sa femme pendant deux ans, gagne plus que lui en tant que modiste, mais le couple fait rapidement face aux soucis de santé puis d’argent.

C’est à partir de la fin des années 20 qu’il écrira le plus de nouvelles mais il ne connaîtra jamais la gloire de son vivant. Il meurt d’un cancer en mars 1937, laissant derrière lui une œuvre qui ne sera appréciée à sa juste valeur que plusieurs décennies après.

Je suis Providence se présente comme une biographie exhaustive de la vie de Lovecraft et, pour être honnête, je crois que peu d’aspects de sa vie ont été oubliés. L’auteur commence par nous parler des lointains ancêtres de Lovecraft, de leur pays d’origine, de l’endroit où ils se sont installés, puis passe à la famille proche qui sera tout au long de sa vie intimement mêlée au destin de Lovecraft, avant de passer à l’écrivain lui-même.

A vrai dire, je pensais lire une « simple » biographie à la Stephen Zweig, mais c’est un essai sur la vie et l’œuvre de Lovecraft que j’ai eu dans les mains. En effet, S.T. Joshi use, et je dirais abuse, des notes de bas de page dans sa quête de précision et d’exhaustivité (2769 si j’ai bien vu, sans compter les annexes en fin d’ouvrage). Il a eu accès à des centaines de documents pour écrire cette biographie qui vont des bulletins scolaires au dossier médical mais aussi à la forme des boutons de manchettes quand Lovecraft est un jeune adulte (qui prennent la forme de monuments antique, dont le Colisée).

Chaque aspect de la vie et des œuvres de Lovecraft est décortiqué. Chacun de ses actes est analysé et j’avoue que, parfois, j’ai trouvé ça un poil exagéré. S’extasier sur les poèmes de Lovecraft à six ans, en analysant la composition et la stylistique, me semblait un peu tiré par les cheveux. Même si cela montrait une précocité et une tournure d’esprit déjà intéressantes pour un enfant si jeune.

Joshi ne fait pas d’omission sur les mauvais côtés que pouvait avoir Lovecraft : son racisme, par exemple, est évoqué plusieurs fois et expliqué partiellement.

Pour terminer, je dirai que si vous êtes un grand fan de Lovecraft et de ses œuvres, et surtout que vous voulez en connaître la genèse, cet ouvrage est fait pour vous. Si les notes de bas de page et les multiples références, parfois obscures pour nous, Européens, vous ennuient, et si le fait de voir la moindre petite action décortiquée a posteriori par l’auteur du livre risque de vous ennuyer, passez votre chemin.

Il en demeure néanmoins que cet ouvrage est devenu une référence pour ce qui concerne Lovecraft, et est une véritable mine d’informations sur tout ce qui le touche.

(à noter une coquille page 10 du chapitre 3 au niveau d'une date : il est noté 1989 au lieu de 1898)