Les Chroniques de l'Imaginaire

Dix jours avant la fin du monde - Fargetton, Manon

Cela a commencé par une explosion, à l'autre bout du monde. En Océanie, la Nouvelle-Zélande a été frappée de plein fouet. Les vidéos tournées sur place et diffusées sur toute la planète témoignent de l'horreur : une ligne rejoignant les deux pôles se déplace d'est en ouest et va balayer la Terre entière. Bientôt, on s'aperçoit qu'il y a une deuxième ligne qui part dans l'autre sens, et que toutes deux vont se rejoindre sur le méridien traversant l'Angleterre, la Bretagne, l'Espagne... Dans dix jours. Où qu'on se trouve, il reste au maximum dix jours à vivre.

Lili-Ann est à Paris. Elle s'accorde avec sa sœur pour se rejoindre dans la maison familiale bretonne, en bord de mer. Les circonstances feront qu'elle s'y rendra avec Brahim, un chauffeur de taxi sans famille, Valentin, qui vient de perdre sa mère, Gwenaël qui ne vit que pour écrire et sa compagne Sara, qui comprend qu'elle ne connaîtra jamais le bonheur d'être mère. Tous les cinq sont confrontés à une certitude absolue et terrifiante : il leur reste dix jours à vivre.

Pour Gwenaël, la situation ne change pas ce qu'il ressent au fond de lui ; le besoin urgent d'écrire, coûte que coûte, quitte à sacrifier le temps qu'il lui reste avec Sara. Son inspiration s'envole face à la catastrophe annoncée, il noircit des pages entières dont se nourrit Lili-Ann, troublée par des ressemblances troublantes entre la fiction et leur réalité. Comme si Gwenaël pressentait ce qui allait se passer. Chacun réagit à sa manière, en ayant envie d'un lâcher-prise total ou en gardant ses secrets enterrés malgré le fait qu'il ne sert plus à rien de se cacher.

Ce qui unit ces personnages malgré leurs dissemblances, c'est un élan de solidarité et d'envie d'être ensemble bien qu'ils ne se connaissent que depuis quelques heures. L'idée de partager, de se soutenir et de faire face, de s'en remettre à la sœur de Lili-Ann, déterminée et pragmatique, pour trouver une solution de survie.

Le point fort de ce roman est l'appréhension. A travers les vidéos, les protagonistes savent ce qu'il va se passer, et comment. Les éléments de la nature se manifestent petit à petit et présagent du chaos qui va s'abattre sur eux. Il y a aussi l'attente du lecteur : vont-ils vraiment tous mourir ou l'auteure va-t-elle trouver une parade pour les épargner ? Le découpage en chapitres courts, alternant les points de vue des personnages et commençant par le compte à rebours avant la fin du monde, accentue le sentiment d'urgence et donne au roman sa particularité de page-turner. Les personnages sont qui plus est attachants et on a envie de savoir ce que le destin leur réserve.

Dix jours avant la fin du monde est un roman bien mené, qu'on prend beaucoup de plaisir à lire, guidés par un suspense brillamment entretenu. On peut cependant lui reprocher un manque de noirceur qui rendrait le scénario encore plus haletant. C'est un peu trop lisse et édulcoré pour que le lecteur puisse être totalement embarqué dans l'atmosphère apocalyptique. Sans doute est-ce pour cette raison qu'il a d'abord paru aux éditions Gallimard Jeunesse, à destination d'un lectorat encore jeune.

Toujours est-il que l'histoire est prenante et la qualité de l'écriture au rendez-vous. Il n'en faut guère plus pour passer un bon moment de lecture.