Nous sommes au début des années 90 en Sibérie, à Irkoutsk. Yoann attend sa femme, Margot, qui revient de Paris. Yoann est français et dirige l'Alliance française, Margot est russe. Ils se sont rencontrés à Rostov, se sont mariés en France, ont eu leur fille et sont venus vivre à Irkoustk. Margot est une Russe comme on se l'imagine, parfois froide, passionnée souvent, et un peu mélancolique : la glace et le feu. Yoann fréquente les hautes sphères de la société de la ville ; leur couple fonctionne à merveille pour amadouer les oligarques russes et obtenir des financements. Tout va pour le mieux, ils se laissent griser, ne tiennent pas compte des avertissements qu'on leur glisse parfois lors des soirées mondaines.
Ce jour-là, Margot est à peine rentrée qu'une dizaine d'hommes armés surgissent dans l'appartement. Yoann est menotté et embarqué de force avec un sac sur la tête. Il ne sait pas qui sont ces hommes, on ne répond pas à ses questions. Il est ensuite interrogé, tabassé, on lui demande d'avouer, mais avouer quoi ? Yoann ne sait pas de quoi on l'accuse. Lorsqu'enfin on lui retire le sac qu'il a sur la tête, c'est pour lui montrer des photos pédopornographiques. Selon celui qui l'interroge, ces images ont été diffusées depuis son adresse internet. On l'accuse même d'attouchements sur sa fille. Yoann tombe de haut, il comprend maintenant que les avertissements qu'on lui faisait étaient pour l'avertir que quelqu'un de haut placé cherchait à le faire tomber. Car tout ceci ressemble fortement aux méthodes employées par le FSB (ex KGB) pour discréditer et éliminer les personnes gênantes pour le pouvoir.
Plusieurs questions l'assaillent : qui a préparé ça et pourquoi ? Et surtout : Margot est-elle mêlée à ça ? Margot qui est restée si silencieuse quand on l'a emmené. Dès lors, la lente descente aux enfers commence pour Yoann, car maintenant il sait que ce n'est pas un avertissement ni de l'intimidation. On veut tout simplement sa peau.
Yoann Barbereau dans ce roman nous décrit tout ce qu'il a subi, les humiliations, l'incarcération avec la marque du pédophile, l'hôpital psychiatrique, sa fuite. Car tout ceci est vrai, c'est son histoire qu'il nous raconte. Cette machination sortie tout droit d'un bon film d'espionnage du temps de la guerre froide est réelle et diabolique. Ce qui devait être usant pour lui, c'est qu'à chaque fois qu'il croyait enfin s'en sortir, la machine judiciaire russe trouvait un autre stratagème pour le garder sous sa coupe.
C'est un récit fascinant et effrayant sur ce dont sont capables des services secrets quand ils veulent se débarrasser de quelqu'un. On peut croire que c'est exagéré, amplifié, mais lorsqu'on voit certaines affaires récentes concernant des opposants à Vladimir Poutine (ex chef du FSB), on se dit que tout cela est malheureusement probable. D'ailleurs, au détour d'un chapitre on croise justement Poutine, qui en était au tout début de son ascension vers le pouvoir. L'auteur, au long du livre, nous explique la vie en Russie à l'époque et l'arrivée au pouvoir de ces oligarques russes qui se sont accaparés les richesses du pays.
J'ai trouvé intéressant le mélange entre le récit et ses réflexions sur ce qu'il se passe, sur la vie, sur sa situation. J'ai beaucoup aimé les citations à chaque introduction de chapitre, qui permettent un peu de saisir l'âme russe. Cela donne envie de découvrir certains de leurs grands auteurs pour tenter de comprendre ce mystérieux pays et ses habitants.
C'est un roman qui se lit vite car on a envie de découvrir ce qui va lui arriver, de suivre les péripéties qui s'enchaînent. Il ne faut pas s'attendre à des histoires violentes sur sa vie en prison comme on s'imagine les prisons russes mais plutôt à des rencontres avec des personnages, pittoresques, coupables, parfois innocents mais le plus souvent attachants, si l'on fait abstraction de ce qui les a conduits en cellule. On a l'impression parfois de se retrouver dans des scènes des films Midnight Express, Vol au dessus d'un nid de coucou ou de la série Le Bureau des légendes.
On ne saura pas qui sont les personnes qui l'ont aidé et comment cela s'est réellement passé, car pour les protéger Yoann Barbereau a modifié les noms et certaines situations. Ce qui est édifiant, c'est que rien n'est réglé pour l'auteur et qu'il est toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt international d'Interpol.