L'équipage de la Keïko, ce n'est pas une bande de joyeux lurons. Il y a Micah, la grande gueule cynique, et puis Apirana, le géant maori aux colères dévastatrices. Il y a les Chang, Jia la pilote cinglée et Kuai le mécano qui n'est là que pour protéger sa petite sœur. Il y a la petite dernière, Jenna, hackeuse de génie qui se demande parfois que diable elle est allée faire en cette galère, et puis il y a Tamara Rourke, commandante en second, silencieuse et mortelle. Et puis, bien sûr, il y a le capitaine Ichabod Drift qui, comme son nom ne l'indique pas, est un Mexicain hâbleur et rusé. Ses combines finissent souvent mal, mais il lui arrive quand même parfois de décrocher la timbale, juste assez pour satisfaire cet équipage hétéroclite.
Ce qui réunit tout le monde à bord de la Keïko, c'est un passé obscur. La règle d'or, c'est que personne n'en parle jamais. Hélas, les problèmes ne disparaissent jamais quand on se contente de les ignorer, ce que Drift découvre brutalement lorsqu'il est enlevé par son ancien patron, un grand fonctionnaire europien qui a un job à lui confier. Rien qui ne soit dans ses cordes : il s'agit simplement de jouer les livreurs et de déposer quatre caisses en temps et en heure à une adresse d'Amsterdam, sur la Vieille Terre. Au nez et à la barbe des forces de sécurité locale, bien entendu. Pas de quoi arrêter Drift, pour lui, la loi c'est bon pour les autres, mais n'empêche, ce contrat sent vraiment mauvais et les faits vont vite se charger de confirmer ses appréhensions. Pour se tirer de ce guêpier interplanétaire, il va devoir déployer des trésors d'astuce et de bagout. Heureusement qu'il peut compter sur les nombreux talents de ses camarades.
Rarement le proverbe qui veut qu'on ne juge pas un livre à sa couverture aura été aussi approprié qu'ici. Avec son titre court et percutant, son accroche menaçante (« Dans l'espace, vous pouvez échapper à tout, sauf à votre passé… ») et son illustration pleine d'ombres, on pourrait croire que Dark Run est un roman sombre et brutal, dépourvu d'humour et plein de violence. En réalité, la violence est au rendez-vous… mais l'humour aussi. En fait, le meilleur moyen de décrire ce livre, c'est de le comparer à un film d'action. Ça bouge énormément, les scènes d'action sont savamment entrelacées avec juste ce qu'il faut de moments de relaxation et de scènes de tension muette pour faire respirer l'intrigue sans que le suspense ne retombe totalement.
Et que serait un film d'action sans une distribution équilibrée ? Chacun des membres d'équipage de la Keïko a quelque chose pour lui, chacun sait donner la réplique aux autres, chacun a droit à sa scène, même si c'est évidemment le capitaine Drift, bavard, dragueur et gaffeur, qui se taille la part du lion. Tous sont construits sur des archétypes bien connus (le roublard au grand cœur, la tueuse mutique, la petite génie de l'informatique…), mais ils sont bien construits, et avoir choisi des bases connues les rend d'autant plus faciles à identifier et apprécier. Au fil du récit, certains vont révéler tout ou partie de leur mystérieux passé… mais pas tous, bien entendu, puisqu'il y a un tome 2 à cette série. De l'autre côté, Kelsier adhère lui aussi à un modèle bien connu, celui du politicard véreux et psychopathe qu'on adore craindre et haïr.
En somme, il est très facile de se laisser prendre au jeu de Dark Run, car on l'a tous déjà vu dans d'innombrables films et séries télévisées (beaucoup de critiques de ce livre citent Firefly et les Gardiens de la galaxie, des comparaisons qui se défendent facilement). Un seau de pop-corn sera le compagnon idéal de votre lecture, et le fond de votre canapé un lieu tout à fait approprié.