Les Chroniques de l'Imaginaire

Pas la force (Les 5 Terres - 6) - Lewelyn & Lereculey, Jérôme

Les relations se tendent, entre Mederion, le jeune roi, et son Ombre, Terys, depuis la décision de Mederion d'enfermer les étudiants modérés qui sont venus simplement lui exposer quelques idées. Mederion ne s'attendait sans doute pas à ce que cela prenne cette ampleur, et il doit maintenant composer avec la mort de Cibill, une des étudiantes révolutionnaires, qui n'était autre que la petite amie de Kara, un des cadets de la garde royale. Ce dernier en est d'ailleurs destitué, sans que son visage ne trahisse la moindre expression... Il se doute maintenant que la colère gronde parmi certains étudiants révolutionnaires, qui accusent les modérés d'être allés voir Mederion contre leur avis...

Et d'autres événements sont sur le point d'arriver, dans la cité féline d'Angléon : Kirill, le chien mercenaire, a pu se remettre tant bien que mal de ses terribles blessures en essayant de retrouver Astrelia. Il parvient à retrouver l'endroit où est détenue la cousine de Mederion, et c'est dans un déchaînement de violence qu'il va parvenir à libérer Astrelia. Cette dernière vient de subir un avortement forcé, des mains de sa tante, Leina, mère du roi Mederion. A présent, c'est l'heure de la vengeance, à l'encontre de cette dernière...

Pendant ce temps, Mederion est également occupé avec la réception d'une délégation en provenance d'Erinal. Le jeune Eren a failli mourir d'une énorme chute, en essayant de fuir Angleon, avec ses compagnons, Bakhel, Genkin et surtout Keona dont il est tombé amoureux. A présent, Mederion va devoir s'expliquer avec l'immense Baregas, émissaire d'Erinal. Mais la conversation va prendre une tournure pour le moins inattendue : le jeune roi Mederion souhaite mettre en place une route commerciale libre entre Erinal et Angleon. Et il souhaite que le commerce en question devienne également la norme avec les autres Terres que sont Arnor, Lys et Ithara. Une proposition fort bien accueillie par Baregas, qui y est totalement favorable...

Mais rien de tout cela n'arrivera, car d'autres événements, d'une rare violence, sont sur le point d'arriver... Un nouveau rebondissement final incroyable, tout à fait du niveau de ce qu'on aura pu découvrir tout au long des six tomes de cette incroyable série qui paraît chez Delcourt.

Oui, car cette série, en tout cas ce qui est déjà ce premier cycle, est tout simplement une claque comme on en prend assez rarement dans le neuvième art. Les 5 Terres est une série dont le scénario, signé Lewelyn, est en fait un collectif de trois scénaristes, qui sont David Chauvel, Andoryss et Patrick Wong. Cela se ressent avec une histoire d'une complexité raffinée et intelligente, mise en image par Jérôme Lereculey, et en couleurs par Dimitris Martinos. Tout au long de la série, les dessins auront été magiques : les personnages, tous des animaux de différentes espèces, sont formidables de crédibilité et de charisme pour la plupart. On s'y attache terriblement, et on ne devrait d'ailleurs pas, tant nombre d'entre eux disparaissent tout au long de ce premier cycle, exactement à la manière de Game Of Thrones, l'univers de George R.R. Martin, dont on retrouve d'ailleurs quelques similitudes, comme l'Ombre du roi ici qui n'a rien à envier à la Main du roi dans la série précédemment citée.

La narration de ce tome, comme des tomes précédents, est aussi à souligner : le récit est superbement raconté, on passe d'un groupe de personnages à un autre toutes les trois à quatre planches, et cela sans que la lisibilité n'en pâtisse le moins du monde. Le découpage aide énormément à cela, et les dessins également : il est facile de se repérer dans tel ou tel lieu, avec tel ou tel personnage, et cela contribue forcément énormément au plaisir que l'on prend à parcourir tout ce premier cycle.

Au niveau des dessins, les personnages et leurs expressions sont une réussite totale : on est là dans un registre animalier qui a largement fait ses preuves avec une série comme Blacksad ou le plus récent La ferme des animaux. Ici, les espèces rencontrées, plutôt félines (mais pas uniquement), sont assez différentes. Les couleurs sont plus chatoyantes, plus vives que dans les séries phares citées précédemment, ce qui est normal : on n'est pas dans du polar, mais dans un univers vaste, travaillé, empruntant à la fantasy, avec des similitudes évidentes avec Le Trône de Fer. S'il fallait faire un petit reproche, ce serait dans une certaine raideur des personnages, un petit manque de mouvements qui va aussi avec le côté très réaliste emprunté par Jérôme Lereculey. Ceci n'est qu'un détail nullement gênant, et loin d'être omniprésent : il reste que graphiquement la série est une franche réussite.

Nous avons pris beaucoup de plaisir à parcourir les six tomes de ce premier cycle de Les 5 Terres : une des claques de cette année, à n'en pas douter. Vivement un second cycle qui devrait nous rapprocher des singes présents sur les terres de Lys, au sud-est d'Angléon.