Les Chroniques de l'Imaginaire

Le Styx coule à l'envers - Simmons, Dan

Le Styx coule à l’envers est la première nouvelle qui ouvre le bal. C’est aussi la première nouvelle éditée par Dan Simmons, car elle est parue pour la première fois dans Twilight Zone Magazine en 1982, le jour de la naissance de la fille de Simmons.
La mère du narrateur meurt quand il a huit ans, et son père, fou de chagrin, décide de faire appel aux résurrectionnistes, qui sont capable de ramener les cadavres à la vie, en échange de 25% des biens et de tout l’argent que la famille gagnera plus tard. Le soir même de la mise en terre, la mère revient à la maison, et commence alors pour la famille une nouvelle vie en compagnie de celle qui n’est plus tout à fait comme avant.

Vanni Fucci est bien vivant et il vit en enfer est la seconde nouvelle qui nous emmène sur le plateau de télévision d’un prédicateur plus que véreux. Pendant son émission matinale un intervenant non prévu s’invite et explique à l’assistance médusée que l’Enfer existe bel et bien.
Dans cette nouvelle, Dan Simmons invite dans le monde contemporain l’un des personnage de La divine comédie de Dante Alighieri.

Passeport pour Viêtnamland : la guerre du Viêtnam est terminée depuis longtemps, mais continue de fasciner les foules. Sous couvert de montrer l’histoire, des visites guidées sont organisées dans des parcs où sont reproduites toutes les conditions de la sale guerre.
Une histoire qui nous interroge sur la relation à la guerre, et aux dérives qui peuvent en découler ensuite. L’auteur dans la préface explique la chronologie théorique des événements qui peuvent être évoqués ou pas, et à quel moment.

Deux minutes quarante-cinq secondes : C’est le temps que la navette Challenger a mis, après son explosion, pour retomber sur terre, en morceaux. Dans cette courte nouvelle d’horreur high-tech on suit l’un des concepteurs des réservoirs qui ont causé la parte de la navette et on comprend les remords qu’il a eus pour avoir accepté de laisser la navette partir ce jour-là.

Métastases : Alors qu’il vient d’apprendre que sa mère a un cancer, Louis est victime d’un grave accident de voiture. Touché au crâne, il demeure plusieurs jours dans le coma, et quand il est en état d’aller voir sa mère, on lui apprend qu’elle passe la plupart du temps à dormir, à l’aide de sédatifs. Alors qu’il est en train de la veiller, il se rend compte que des créatures, invisibles pour les autres, semblent se nourrir d’elle.
Une histoire dérangeante, et qui cherche à montrer les mécanismes de survie primaire que les humains développent pour ignorer certaines choses autour d’eux. Sans doute celle que j'aime le moins dans ce recueil.

Douce nuit, Sainte nuit : Une histoire de Noël post apocalyptique. Je ne peux en dire plus sans trop en dévoiler.

Mémoires privées de la pandémie des stigmates de Hoffer : Tout a commencé en direct à la télévision quand Dan Rather, le présentateur vedette de CBS - qui existe vraiment d’ailleurs - voit son visage se déformer d’une manière particulièrement horrible. Et dans la foulée, c’est toute la population qui subit ces étranges mutations, toutes différentes, et pour cause : elles sont provoquées par les vices et les mauvais côtés des humains. Un homme écrit à son fils comment tout a commencé, et c’est sa lettre que nous lisons dans cette nouvelle.
Une vision très intéressante de ce que pourrait être l’humanité si les défauts et les péchés de chacun s’inscrivaient directement dans la chair. Avec une fin glaçante.

Les fosses d’Iverson : En retrouvant une photo de lui âgé d’une dizaine d’années, habillé en scout, un vieil homme se remémore la célébration de du cinquantième anniversaire de Gettysburg, l’une des plus célèbres batailles de la guerre de Sécession.
Cette histoire est la plus longue du recueil et elle nous emmène tout droit au cœur de la boucherie que peut être un champ de bataille ainsi que des conséquences que le sang versé peut avoir sur certains lieux. Une très bonne nouvelle, très bien documentée qui montre combien l’incompétence et la couardise peuvent être fatales.

Le conseiller : Dans chaque école américaine, un conseiller officie afin d’aider les enfants. Le conseiller dont il est question dans cette nouvelle prend vraiment à cœur son travail et s’efforce d’apporter une aide discrète mais efficace aux enfants qui en ont le plus besoin.
La psychologie du conseiller se rapproche beaucoup de ces super héros qui sauvent les enfants, tels Batman. Mais contrairement à l’homme chauve-souris, ce conseiller n’hésite jamais à aller très loin dans la vengeance.

Photo de classe : Mme Geiss exerce la profession d’institutrice depuis trente-huit ans. Même après l’invasion de zombies, elle continue à exercer son métier en tentant d’enseigner quelque chose aux zombies enfants qu’elle capture et neutralise seule depuis que le concierge de l’école a été tué par les morts vivants. Chaque jour, elle essaie de réveiller l’intelligence qui, croit-elle, doit encore exister dans les synapses de ces cerveaux décédés.
Une très belle ode aux professeurs qui font tout ce qu’ils peuvent afin d’enseigner dans les pires conditions aux enfants. Cette Mme Geiss (inspirée par une ancienne institutrice qui a croisé la route de l'auteur) porte à elle seule tout le poids d’une situation inextricable, mais, chaque matin, elle garde espoir de réussir à sortir les enfants zombies de leur état de décrépitude.

Mes Copsa Mica : Publiée en 1994, cette nouvelle traite des problèmes écologiques et des fins possibles de la Terre et de ses habitants. Avec des mini chapitres, Dan Simmons nous montre que l’homme se tue lui-même à cause, entre autres, de la pollution qu’il déverse partout sur son passage.
A mi-chemin entre nouvelle et essai, le résultat laisse un arrière-goût amer quand on termine la lecture.

A la recherche de Kelly Dahl : Roland Jake est un professeur qui a été mis sur la touche après de longues années de service à cause de son alcoolisme. Un soir, poussé par un désespoir encore plus profond que d’habitude, il décide de jeter sa jeep dans un ravin. Quand il se réveille, il a été fait prisonnier par une de ses anciennes élèves : Kelly Dahl.
Une très bonne nouvelle, à la fois onirique et sceptique, où la lutte pour survivre mentalement et physiquement dans un univers en perpétuel changement prend une certaine saveur. J’ai beaucoup aimé la dynamique qui se crée entre Roland et Kelly et la fin est parfaite.

Ce recueil s’avère donc être très sombre mais chacune des nouvelles est un petit bijou dans son genre. Les thèmes sont parfois récurrents (écologie, télé évangélisme) mais traités de façon différentes à chaque fois, ce qui pousse à une certaine réflexion ou à des réactions différentes (peur, dégoût, empathie…). Certaines par contre sont porteuses d’espoir, comme dans Photo de classe et j’avoue que j’ai jubilé en lisant Le conseiller car il ose agir comme personne ne le fait.

Une très bonne sélection qui donne un très bon aperçu du talent de novelliste de Dan Simmons.