Les Chroniques de l'Imaginaire

Montedidio - Luca, Erri (de)

Il est des livres qui vous émeuvent plus que d'autres, celui-ci en fait partie. Ce livre est un livre bilingue, côté gauche en italien et côté droit en français. Une histoire simple racontée par Erri de Luca : un garçon de treize ans grandissant au sein d'une famille aimante dans le Naples des années soixante, pauvre, mais riche à la fois d'humanité. Il aime Maria qui vit en haut de son immeuble et qui grandit non sans peine à ses côtés. Montedidio est son quartier, une montagne en ville où s'entassent le peuple, elle est nommée "la montagne de Dieu".

Notre héros a abandonné l'école et travaille auprès de Mast'Errico, un menuisier droit et courageux. Il apprend la profession, c'est un garçon honnête et droit. Avec eux, Rafaniello, un cordonnier juif rescapé de la Shoah. C'est un sage. Rafaniello veut retrouver les siens à Jerusalem, et pour ce faire, sentira le moment crucial où il s'envolera vers sa destinée grâce à ses ailes qui frémissent dans sa bosse. Rafaniello est bossu, mais il se fait vieux, il a bon cœur, et répare gratuitement les chaussures des plus démunis.

Notre héros, ici, m'étonne. Il s'acharne à écrire ce qu'il vit et ce qu'il entend de la bouche de Rafaniello. Tous les soirs, il se force à écrire en italien, lui qui a grandi en parlant le napolitain. Il écrit son quotidien, ses joies et ses peines. Voilà, c'est tout simple et touchant. J'ai aimé la facilité de cette lecture, la simplicité du récit, beau, émouvant et inoubliable. Parce qu'il est si difficile de rester humble dans ce monde moderne où tout s'entrechoque, ici dans le Naples de l'après-guerre, on vit le moment présent car on n'a pas le choix, on espère, on souffre, et on relativise. Notre adolescent a eu la chance de rencontrer Rafaniello qui lui ouvre les yeux sur l'importance de la vie, la dureté du monde des adultes, et l'amour. Notre jeune protagoniste est le ciment entre toutes les personnes qui vivent à ses côtés. 

Après avoir découvert l'histoire de L'amie prodigieuse d'Elena Ferrante, j'ai voulu me replonger dans cette Italie charismatique que nous narre ici Erri de Luca. Une Italie belle, pauvre, populaire qui essaie de s'en sortir mais reste trop souvent sur le carreau. Pendant que certains grossiront les rangs de la Mafia, d'autres s'en sortiront comme Elena amoureuse des mots chez Ferrante et qui deviendra écrivain, et ici notre jeune homme qui malgré l'apprentissage d'un métier manuel mais ô combien majestueux, s'évertue à écrire alors que dans sa famille, la culture passe en dernier.

Les mots, la littérature, restent accessibles même si l'on sort d'un quartier pauvre. Il faut le vouloir, il faut savoir rêver et laisser pousser ses ailes pour s'envoler.