Les Chroniques de l'Imaginaire

Ma soeur, serial killeuse - Braithwaite, Oyinkan

Korede est chez elle et s'apprête à dîner devant un bon film lorsque son téléphone se met à vibrer. C'est sa sœur Ayoola qui lui annonce : "Korede, je l'ai tué". Aussitôt, elle se rend à l'adresse indiquée avec tout son nécessaire de nettoyage et constate qu'Ayoola a poignardé son dernier petit ami. Malheureusement, cela commence à  devenir une habitude, car c'est déjà le troisième qu'elle tue et à chaque fois c'est le même discours : "ce n'est pas de ma faute", "il a été menaçant et j'ai cherché à me protéger". Sauf que cette fois, Korede a de sérieux doutes sur la réalité des faits. Tout d'abord, Femi semblait plutôt sensible et romantique contrairement aux machos habituels que fréquente Ayoola et puis quelque chose cloche entre le discours de sa sœur et ce qu'elle constate sur les lieux du crime. Mais comme le dit sa mère : les sœurs aînées s'occupent de leurs petites sœurs, alors Korede nettoie tout l'appartement et fait disparaître le corps dans le fleuve. 

Les deux sœurs sont les exactes opposées, autant Ayoola est très belle, rayonnante et frivole, autant Korede a un physique passe-partout et une vie bien ordonnée, limite maniaque sur la propreté où elle est devenue une experte. Ensuite, Ayoola travaille soi-disant dans la mode alors que Korede est infirmière dans un hôpital de Lagos où elle est respectée pour ses compétences. Malheureusement tout se complique lorsqu'Ayoola jette son dévolu sur le médecin dont Korede est secrètement amoureuse. Comment va-t-elle pouvoir continuer à protéger sa petite sœur tout en essayant de garder en vie l'homme qu'elle aime ?

Oyinkan Braithwaite nous livre un polar où le cœur du récit est la relation entre deux sœurs que tout oppose sur fond de rivalités et jalousies, où un passé familial violent est peut être à l'origine de tout. Ce qui est agréable, c'est le ton plutôt léger employé ainsi que l'humour noir et grinçant tout au long du roman. L'obstination de la mère à vouloir caser ses filles et les manigances qu'elle emploie pour y parvenir, et surtout l'obsession qu'elle a pour la beauté d'Ayoola l'empêchant de voir ce qu'est réellement sa fille, sont assez drôles et provoquent certaines situations très embarrassantes pour Korede. 

L'auteure, avec un ton mordant, nous dépeint une société qui laisse peu de place à la femme, où la corruption est endémique, où les différences de classes se font bien ressentir et ne donne pas une image très plaisante de son pays. On sent qu'elle part en guerre contre les diktats de sa culture et de son pays mais aussi et surtout ceux imposés par les mères et les femmes en général à leurs familles. Sous une apparence légère, cet ouvrage aborde des sujets plutôt sérieux, l'importance de l'apparence dans son pays, l'omnipotence du patriarcat, ainsi que les rapports pouvant être complexes entre sœurs. Le récit est parfois drôle, souvent cruel mais c'est son côté amoral qui l'a rendu à mes yeux plutôt plaisant à lire. Quelques rebondissements rythment la narration et vont rendre la vie plus difficile à notre "héroïne" qui tente de se sortir plus ou moins indemne de cette histoire familiale.

Alors oui, ce n'est pas vraiment un polar pur et dur, mais cela reste une histoire prenante que l'on lit avec plaisir et dont on attend avec délectation le sort qui attend le beau docteur. C'est un bon premier roman dépaysant de par son ambiance et le pays où l’histoire se déroule.