Nous sommes en septembre 1875 et Gustave Flaubert ne va pas très bien. L'écrivain a succès, toujours désinvolte pour ce qui est des questions d'argent, connaît de graves problèmes financiers. Préoccupé par l'éventuelle faillite du mari de sa nièce et ses conséquences sur son train de vie, il souffre du syndrome de la page blanche et d'une intense mélancolie. Las de tout, le créateur de madame Bovary décide d'aller passer quelques semaines dans le petit port breton de Concarneau pour profiter de la compagnie du docteur Georges Pouchet, un fameux biologiste qui travaille sur le système nerveux des poissons. Au rythme des promenades et des bains de mer, le vieil écrivain sent poindre à nouveau le désir d'écrire et un projet délaissé lui revient en tête : la légende de saint Julien l'hospitalier.
Un automne de Flaubert est de ces livres dont le titre dit tout. Il y est bien question de Gustave Flaubert, le génial auteur de Salammbô et de L'éducation sentimentale. Alexandre Postel s'amuse visiblement beaucoup à le faire revivre dans toutes ses dimensions : c'est un homme tour à tour abattu et réjoui, insupportable et émouvant, un bon vivant qui se gorge de crustacés et un esthète à la recherche de la phrase parfaite. Même s'il l'ignore, il approche de la fin de sa vie et les questions qu'il se pose sont universelles : que vais-je laisser après ma mort ? Quelle est ma place en ce monde ? Que devrais-je faire du temps qu'il me reste ?
L'atmosphère est ainsi très automnale et pas seulement parce que le livre se déroule de septembre à octobre, avec tout ce que cela suppose en termes de météo. Au-delà du portrait de Flaubert, ce roman offre également un bel aperçu de la vie à Concarneau et dans sa région à la fin du dix-neuvième siècle, une vie qui tourne évidemment beaucoup autour de la mer, de ses produits et du rythme incessant des vagues et de la marée. Sans être aussi évocatrice que celle du maitre, la plume d'Alexandre Postel parvient à saisir de manière efficace des instants, des couleurs, des sons, des odeurs.
Le meilleur passage du livre est sans doute celui qui s'appuie sur les véritables brouillons de Flaubert pour retracer l'évolution de la première phrase de sa version de la Légende de saint Julien l'hospitalier. C'est une superbe dissection de ce petit bout de texte, à montrer aux gens qui croient que l'analyse de texte est un exercice vain et rébarbatif.
En résumé, Un automne de Flaubert est un charmant petit récit d'une sorte de convalescence littéraire. C'est un roman court qui peut se lire très vite, mais qui gagne également à être savouré pour profiter de la musique de chacune de ses phrases. Les admirateurs de Flaubert y trouveront à coup sûr leur compte, et les autres aussi, peut-être ?