Gwenaël est un serviteur au palais du Duché d'Harmonie. Un jour, il est témoin d'une altercation entre un membre de la cour ducale et une noble déchue. Ebloui par la beauté de la jeune femme, il décide de lui porter secours et ne tarde pas à en payer le prix. A Harmonie, les hommes du Duc et les religieux, les Rayons, ont bien plus de droits que les Harmoniens, même si le peuple est heureux de vivre dans la prospérité du Duché.
Gwenaël a ainsi de la chance de sortir vivant de sa mésaventure. Pourtant, quand il se réveille, rien ne va plus. Sa mémoire lui joue des tours et il a la sensation de pouvoir entendre les pensées des autres humains. Devient-il fou ou vient-il d'entrapercevoir la vraie nature de son duché ?
Calie la voleuse est née loin du Duché, dans des terres dévastées où seule règne la loi du plus fort. Son dernier casse ayant échoué, elle se retrouve emprisonnée et pense bien y rester un bout de temps quand elle est libérée par une force armée énigmatique. En échange d'un confort matériel qu'elle n'a jamais connu, Calie va devoir travailler pour le Duché d'Harmonie, en tant que Rayon.
Ce premier tome de la série Les Chroniques d'Harmonie manie habilement des ficelles bien connues de la SF. Il nous plonge très rapidement dans un univers bien décrit, alternant entre le médiéval et le post-apo, et où les apparences sont trompeuses. Tout l'enjeu des protagonistes, de Gwenaël comme de Calie, est justement de survivre à ces faux-semblants. Au fur-et-à mesure de leurs épreuves, le voile se lève doucement sur les secrets d'Harmonie. Le rythme des révélations est judicieusement pensé. L'intrigue de Calie est proche d'une enquête policière en bonne et due forme, ce qui confère du dynamisme au récit.
La narration suit tour à tour chacun des deux protagonistes, chacun ayant son propre arc narratif et donc ses propres combats à mener. Si ce choix narratif conduit parfois le lecteur à préférer lire les aventures d'un personnage plutôt qu'un autre, cela n'a pas été mon cas. J'ai trouvé les aventures des deux héros fort complémentaires. En outre, le moyen d'unir leurs histoires est efficace, à défaut d'être follement ingénieux.
L'évolution des personnages au cours du récit m'a particulièrement plu. La situation de départ est relativement convenue : un jeune homme ingénu qui ne connaît rien au monde et se trouve promené au gré des événements ; une jeune voleuse baroudeuse et débrouillarde qui va devoir redoubler de ruse pour se tirer d'une situation inhabituelle. Cependant, Patrice Lecina sait malmener ses personnages et les pousser dans leurs retranchements. Leurs idéaux, leurs principes, les actions qu'ils sont prêts à réaliser pour survivre diffèrent et se transforment au fil de leurs expériences. C'est un parti-pris assez courageux.
Enfin, il me semble important de signaler que cet ouvrage autoédité a toutes les qualités d'un ouvrage édité de manière plus classique : il ne brille sans doute pas par son originalité tant sur le plan de l'univers que de la caractérisation des personnages mais rassemble tous les ingrédients d'un bon roman. Je n'ai pas noté de grosses coquilles ou de fautes de style - même si je suis très loin d'être une experte en la matière.
Rythmé, peuplé de personnages sympathiques... ou un peu moins, riche en scène d'actions, en amitiés et inimitiés, L'Eveil est un ouvrage qui plaira aux amateurs de SF comme de fantasy, à ceux qui apprécient les héros en demi-teintes et à ceux qui aiment les enquêtes. Et la suite de la série s'annonce nimbée d'autres mystères.
