C'est en Touraine, en 1832 que nous avons le plaisir d'avoir une petite discussion avec Honoré De Balzac. L'homme écrit, dans son château de Saché. Et pour le coup, ce n'est pas sur un dialogue de Eugénie Grandet ou sur Le Père Goriot qu'il s'attelle, mais à de petits récits peut-être moins connus, mais qui sonnent comme une récréation pour le célèbre écrivain. Présentement, l'homme écrit des contes drolatiques, et voilà qu'il s'apprête à nous en conter quatre, parmi la trentaine qu'il a écrits.
Ainsi, on se retrouve à Constance, en 1414, en compagnie de Philippe De Mala, jeune moine en provenance de Tours, qui a fait le voyage pour assister au Concile. Le jeune moine est encore bien naïf, même s'il n'a de cesse de croiser des prêtres et toutes sortes d'ecclésiastiques, en bien bonne compagnie... Mais les choses vont bientôt changer, lorsque notre jeune moine va tomber nez à nez avec la Belle Impéria. Une jeune femme magnifique, qui fait tourner bien des têtes, et même parmi d'autres ecclésiastiques qui se posent beaucoup moins de questions...
Et puis, Balzac se lance dans un conte qui a pour objectif de nous donner sa différence entre un péché mortel et un péché véniel. Une petite différence qui va permettre à l'auteur de se lancer dans une petite histoire pleine de fraîcheur et d'énergie, avec cette dame qui a des sentiments pour un mari plus âgé qu'elle, mais qui ne sait comment satisfaire des besoins pourtant bien de son âge...
Dans L'héritier du Diable, Balzac nous conte l'histoire de ce vieux chanoine qui ne veut pas mourir, même si ses deux fils n'attendent que cela pour enfin hériter d'une bien belle somme. D'autant que les deux vivotent, en attendant leur héritage. L'un est notamment amoureux d'une prostituée qui le met sur la paille, et l'autre trompe un des notables de la ville, et trouve souvent refuge dans la grande armoire de la chambre. Et puis, les deux frères ont un cousin, qu'ils envoient chez le vieux chanoine. Pour les deux frères, il s'agit là d'avoir un espion chez leur père. Mais les événements pourraient bien en décider tout autrement...
Enfin, c'est à une autre histoire d'adultère que nous convie Balzac, dans La Connétable. Mais les amants ne sont pas toujours faciles à identifier, et ne sont pas toujours ceux que l'on croit...
Une chose est sûre : après La cavale du Dr Destouches, L'automne à Pékin et L'écume des jours, qui mettent à l'honneur respectivement Céline et Boris Vian deux fois, ce nouveau livre des frères Brizzi, qui paraît chez Futuropolis, est un véritable petit bijou, comme la totalité de ses prédécesseurs.
Ici, c'est Honoré De Balzac qu'on croise sous un jour assez inattendu. L'homme, en amoureux de Rabelais, est un bon vivant, et cela se ressent dans chacune de ses apparitions, le plus souvent entre les quatre contes présentés ici. Les contes drolatiques, au nombre de quatre ici, sont tous d'une excellente facture, et ils se dévorent avec beaucoup d'intérêt et de régal pour les yeux.
Car sur le plan graphique, le livre est encore une fois grandiose : Paul Brizzi et Gaetan Brizzi gardent ces planches en noir et blanc, teintées de gris et d'ocre, sans la couleur qu'on peut retrouver dans L'automne à Pékin. Les postures, les expressions des personnages, les costumes, les décors : chaque case a fait l'objet d'un véritable travail de fourmi, pour le plus grand bonheur des lecteurs.
Les contes drolatiques mettent à l'honneur quatre petites histoires de Balzac, parmi les trente qu'il a pu écrire (alors qu'il en prévoyait une centaine !). C'est drôle, intelligent, inspiré, et il est tout bonnement impensable de passer à côté d'une telle perle.
