Invité par un ami d'enfance et sa jeune épouse à venir passer des vacances dans leur villa sur la Riviera ligure, un professeur d'une trentaine d'années nous embarque avec lui dans ses valises. À première vue, on pourrait croire que pendant cent-quatorze pages, rien ne se passe puisque rien ne se dit vraiment. Quelle grossière erreur ! Car c'est là tout le talent et toute la magie de Cesare Pavese.
Avec sa plume sensuelle et lumineuse, l'écrivain piémontais nous envoûte de ses mots et tout devient simple mais beau. Simple car la lecture de ce troisième et court roman peut être rapide. Pourtant, il faut se donner l'opportunité de lever le pied pour percevoir la mélancolie se muer en contemplation. Alors, vous sentirez la chaleur écrasante des terres de l'arrière-pays, la nostalgie d'une jeunesse passée trop vite et l'ennui d'une vie conjugale arrivée trop tôt.
Vous serez cet homme soucieux qui se veut pourtant détaché des autres. Ces autres qu'il ne va cesser d'observer, le temps d'un séjour en bord de mer, d'un œil morne mais secrètement jaloux. Depuis la plage, témoin solitaire et impassible, vous regarderez les relations se faire et se défaire, avec des allures quasi-théâtrales.
Des non-dits qui pèsent lourds, des caractères volcaniques, des jeux de séduction implicites : tous les ingrédients sont réunis et savamment dosés. J'ai apprécié pouvoir paresser encore un peu avec cette lecture qui permet de jouer les prolongations estivales.
Seule ombre au tableau : les effluves de misogynie qui, malgré une traduction révisée, ondoient au fil des pages. Je n'ai ainsi pu contenir quelques grincements de dents face à certaines inepties datées. Néanmoins, bien qu'elles me divisent en remettant tristement chacun à sa place, celles-ci ont le mérite de participer à contextualiser l'histoire.