Paul a quinze ans. Il se prépare à quitter Caladan, le seul monde qu'il ait jamais connu. Son père, le duc Leto Atréides, vient de recevoir en fief impérial la planète désertique d'Arrakis, jusqu'alors détenue par les Harkonnen, ennemis jurés des Atréides. Arrakis, souvent appelée Dune, est un monde hostile, mais qui recèle une ressource aussi précieuse que rare : l'Épice, une drogue qui prolonge la vie et développe les pouvoirs mentaux de qui la consomme.
Objet de toutes les convoitises, Arrakis ressemble à un cadeau empoisonné pour les Atréides. Confronté à la trahison et à la mort, Paul va se découvrir des alliés inattendus : les Fremen, peuple autochtone qui attend le Messie, celui qui fera verdir le désert. L'héritier des Atréides pourra-t-il endosser ce rôle sans engendrer une guerre sainte qui mettra la galaxie à feu et à sang ?
Dune fait partie de ces œuvres littéraires qui n'ont plus besoin d'être présentées. Depuis sa parution, en 1965, le roman de Frank Herbert a acquis un statut de classique de la science-fiction et donné naissance à ce qu'il est convenu aujourd'hui d'appeler une franchise, avec cinq suites de la main de l'auteur, beaucoup d'autres suites et préquelles parues après sa mort sous l'égide de son fils Brian et de Kevin J. Anderson, ainsi que de nombreuses adaptations en jeu vidéo, en série télé et bien entendu au cinéma, une première fois par David Lynch en 1984 et tout récemment par Denis Villeneuve.
À ce titre, ce n'est pas un livre évident à chroniquer : si la SF vous intéresse un tant soit peu, vous l'avez presque certainement déjà lu, aimé ou pas, et si ce n'est pas le cas, ce n'est sans doute pas une énième chronique qui vous donnera envie de l'ouvrir. Mais essayons tout de même !
À mes yeux, Dune est un livre paradoxal, dont le fourmillement d'idées n'a d'égal que l'aridité de la présentation. Herbert n'est pas un grand prosateur, c'est le moins qu'on puisse dire : sans être le dernier des tâcherons, ses descriptions sont sèches et vont à l'essentiel, ses dialogues ont un caractère très théâtral et rigide qui peut rendre difficile l'empathie pour ses personnages, et il a une tendance un peu agaçante à expliciter en toutes lettres ce que d'autres auraient laissé à l'intelligence du lectorat.
Mais derrière cette façade parfois rebutante, que d'imagination ! L'univers de Dune est aussi riche et foisonnant que la planète Arrakis est aride et déserte. S'il n'abrite pas de races extraterrestres, l'empire galactique dépeint par Herbert possède une société complexe, avec des élites qui se complaisent dans leurs jeux politiques et leurs plans à tiroirs, avec des grandes factions qui se tirent dans les pattes pour faire avancer leurs pions sur l'échiquier du pouvoir. À l'exact opposé, on trouve les Fremen, peuple opprimé, condamné à survivre tant bien que mal dans le désert avec une foi qui confine au fanatisme pour seul espoir. Au-delà des préoccupations écologiques du roman, qui ne sont pas si proéminentes qu'on s'est plu à le dire parfois, et de certains aspects bien datés, comme la place trop congrue réservée aux femmes, le douteux concept de « mémoire raciale » ou les visions dignes d'un trip au LSD que suscite l'Épice, c'est bien dans sa représentation de la religion et du mysticisme que Dune reste d'une troublante actualité. Le mot de « jihad » employé pour décrire la guerre sainte des Fremen sonne bien différemment aux oreilles des Occidentaux d'aujourd'hui qu'en 1965…
On a souvent comparé Dune au Seigneur des anneaux et il est vrai que ce sont deux livres-monde, des romans qui ne se contentent pas de raconter des histoires incroyables, mais qui ouvrent surtout des portes vers des univers fabuleux. Leur pouvoir de fascination reste fort plusieurs décennies après leur sortie et gageons qu'il le restera pendant quelque temps encore.