Dans un futur lointain, l'humanité a essaimé dans l'univers et colonisé de nombreuses planètes réunies au sein d'un Empire galactique. Au sein de cet Empire, une planète occupe une place à part : Arrakis. Ce monde désertique et hostile n'offre à première vue rien qui en vaille la peine, entre tempêtes de sable et vers géants destructeurs, mais il s'y trouve une chose unique dans tout le cosmos connu : le Mélange, une épice extraite du sol qui a le pouvoir de prolonger la vie et confère des pouvoirs exceptionnels aux humains qui en consomment. C'est le Mélange qui permet aux Navigateurs de la Guilde de diriger leurs vaisseaux spatiaux d'un bout à l'autre de l'espace ; c'est aussi le Mélange qui permet aux sœurs du Bene Gesserit d'exercer leurs capacités de Diseuses de Vérité. Arrakis est ainsi un fief particulièrement convoité, et quand l'empereur Shaddam IV la retire au baron Vladimir Harkonnen pour la confier au duc Leto Atréides, l'ennemi juré des Harkonnen, tout le monde se doute que le passage de pouvoir ne va pas se faire sans heurt. Mais bien malin qui saura prévoir le rôle que le jeune Paul, fils et hériter de Leto, sera amené à jouer dans ce drame interstellaire.
La sortie prochaine du Dune de Denis Villeneuve constitue une bonne occasion de revenir sur la première adaptation au cinéma du roman culte de Frank Herbert. Sa genèse a été notoirement torturée, avec notamment un projet grandiose mené par Alejandro Jodorowski au milieu des années 1970 qui n'a jamais abouti. Ayant racheté les droits sur le roman, le producteur italien Dino de Laurentiis tente de convaincre Ridley Scott de réaliser son adaptation, mais il doit finalement se rabattre sur David Lynch, bien que celui-ci n'ait jamais lu le livre et ne soit même pas plus intéressé que ça par la science-fiction. Son Dune sort en 1984 et c'est un énorme bide, dont les recettes ne compensent pas ses quarante millions de dollars de budget, et ce malgré une distribution exceptionnelle où l'on retrouve entre autres Max von Sydow, Sean Young, Brad Dourif, Virginia Madsen, Patrick Stewart (avant le capitaine Picard) ou encore Sting (après The Police) et dans le rôle principal Kyle MacLachlan (avant Twin Peaks).
Renié par son réalisateur qui n'a pas eu la main sur le montage final, Dune a une réputation de film maudit et de film culte. On ne comprend que trop bien la réaction de David Lynch à la vue du résultat final, car les quelques qualités du métrage ne suffisent pas à le sauver du naufrage. C'est un cas remarquable de film à la fois trop long et trop court. Trop long, car il a besoin de plus de deux heures pour arriver à condenser l'essentiel de l'intrigue tortueuse et du riche univers conçus par Frank Herbert ; mais trop court aussi, car à vouloir tout conserver, il se retrouve à abuser des dialogues d'exposition et à expédier ses scènes à une cadence infernale. On n'a jamais le temps de réellement se pénétrer de l'ambiance des lieux visités ou des émotions des personnages. Quant aux scènes d'action, elles sont trop confuses et ni le cadrage, ni le montage ne les mettent en valeur.
Les acteurs sont dans l'ensemble irréprochables, ce qui se conçoit à la vue de la distribution, à l'exception notable des Harkonnen qui se distinguent par leur cabotinage effréné. Sting est tout en sourires narquois et regards de côté (même quand il n'est vêtu que d'un string bleu !), mais la palme revient ici à Kenneth McMillan qui nous offre en guise de baron Vladimir un roux obèse qui suinte et hurle en permanence. Le personnage n'était certes pas un monstre de subtilité dans le livre, mais ce n'était pas non plus un monstre tout court… Dans l'ensemble, la direction artistique est très inégale, avec de vraies réussites dans les costumes et les décors, mais aussi des effets spéciaux épouvantablement ratés et des paysages étrangement ternes. L'immensité d'Arrakis ne se fait jamais vraiment ressentir et c'est fort dommage.
Dune se range ainsi dans la catégorie des tristes adaptations qui ne peuvent satisfaire ni le connaisseur (qui n'appréciera pas le traitement réservé à ce qu'il connaît, en particulier la toute fin), ni le profane (qui ne comprendra rien à ce qui se passe). À l'époque, les critiques avaient sans doute raison de décourager le public d'aller le voir, mais aujourd'hui, il suffit d'un abonnement Netflix pour assouvir votre éventuelle curiosité et je ne voudrais pas donner l'impression que Dune ne vaut pas la peine d'être vu. Il faut simplement être prêt à éprouver une grande frustration, car ses indéniables qualités ne rendent que plus décevant le résultat final.