Les Chroniques de l'Imaginaire

La huitième vie (pour Brilka) - Haratischwili, Nino

Brilka a disparu. La jeune fille a fugué de l’hôtel où elle résidait à Amsterdam avec la troupe de danseurs dont elle fait partie, pour se rendre à Vienne, en Autriche. L’adolescente ne compte pas retourner dans son pays, et a laissé un mot à ce sujet. Passionnée de danse, elle est fascinée par Vienne et des rêves de gloire. 

Sa grand-mère demande alors à sa tante Niza, qui vit un moment difficile, d’aller la récupérer dans la ville où elle a été arrêtée. Pendant son voyage, Niza décide de raconter l’histoire de leur famille, en commençant par leur arrière-grand-mère, Stasia, fille d’un chocolatier qui a fait fortune avant les tragiques événements de la révolution bolchévique.

L’histoire de la famille commence donc en 1917 et se poursuit sur six générations, chacune avec ses rêves, ses bonheurs, ses malheurs, mais avec une constante : l’histoire familiale est intimement liée à l’histoire de la Géorgie et de ce qui deviendra l’URSS.

Le huitième livre demeure vide, car c’est à Brilka de l’écrire.

Oui je vous dévoile la fin du livre, mais sans rien vous gâcher étant donné que la dernière partie est blanche et ouverte sur le futur.

La huitième vie est un roman foisonnant, immense, long (plus de mille pages), mais très bien écrit et j’ai pris mon temps pour le savourer d’un bout à l’autre tellement les histoires sont denses et prenantes. C’est une saga familiale où rien n’est simple, ou le bonheur ne tient parfois qu’à un fil, mais qui montre l’opiniâtreté de cette famille à survivre à tout. Quitte à en souffrir, quitte à tuer, quitte à détester ou aimer éperdument.

Les femmes de ce livres sont loin d’être parfaites, mais on se surprend à les apprécier, à compatir à leurs malheurs, à se réjouir de leurs bonheurs, un peu comme des cousines qu’on apprécie de voir régulièrement. Et l’écriture de l’autrice est parfaite pour nous plonger dans cette saga, et elle ne tombe jamais dans la facilité ou les raccourcis. Elle prend le temps de poser les décors, les personnages, l’histoire et l’Histoire, ce qui forme un tout particulièrement dense et savoureux.

J’ai trouvé que le mélange des bouleversements d’un pays à l’histoire de la famille était vraiment bien fait, et ne faisait pas du tout artificiel. Que ce soient les engagements politiques ou militaires des membres de la famille, on comprend que certaines obligations n’étaient pas évitables et que se soumettre au régime impliquait de pouvoir juste survivre, à défaut de vivre libre.

Un gros coup de cœur pour ce livre, une de mes meilleures lectures de 2021.