Si la journée est toute particulière pour la famille Guitry, des quarantenaires nantais qui n'ont plus de problème matériel dans la vie, elle l'est encore plus pour le jeune Wajdi, dix ans, un Yéménite qui a connu la guerre et qui a perdu ses parents, et dont l'adoption par les Guitry est en train de se finaliser.
Aujourd'hui, donc, c'est la fête : les Guitry accueillent le jeune Wajdi au sein du domicile familial. Les photos sont de circonstance, ainsi que les partages sur les réseaux sociaux. Outre ses nouveaux parents, Wajdi fait ainsi la connaissance de Esterina, Ess pour les intimes, sa nouvelle grande sœur. Les Wajdi ont également un fils plus grand, mais qui est maintenant au Canada, pour démarrer dans la vie professionnelle.
Evidemment, les débuts de Wajdi sont difficiles : le jeune Yéménite est désorienté devant tant de luxe. Il a eu très peur lorsqu'il a pour la première fois entendu sauter un bouchon de champagne, il a du mal à quitter son manteau, il ne supporte pas, pour le moment, les contacts physiques, y compris les bisous de sa nouvelle mère. Et il y a également la barrière de la langue : Wajdi ne pourra pas se rendre immédiatement à l'école, pas avant de connaître quelques mots de français.
Alors, la vie s'organise, chez les Guitry, en attendant les papiers définitifs et officiels, qui entérineront définitivement cette adoption. Mais après l'arrivée, ce sont des difficultés qui vont arriver, notamment avec un petit garçon de dix ans qui a connu la guerre, bien loin de l'univers un peu bobo dans lequel il est maintenant tombé. Des réactions violentes pourraient bien survenir, qui pourraient bien remettre en cause bien des choses...
Quelle justesse, dans ce qui peut être considéré non pas comme un tome 3 de L'adoption, mais comme le premier tome d'un second cycle, qui peut se lire de façon totalement indépendante des deux premiers tomes, qui nous présentait l'adoption de la petite Qinaya. Zidrou n'en est pas à son coup d'essai dans les tranches de vie, et il faut bien reconnaître que son sens de l'observation acéré, et son humanité, font superbement mouche avec ce tome consacré à la découverte du jeune Wajdi.
Bien entendu, les dessins et les couleurs d'Arno Monin se marient toujours avec beaucoup de justesse : les expressions sont travaillées, d'une justesse là encore hallucinante, si bien qu'on s'attache ou qu'on comprend tel ou tel personnage en une toute petite poignée de cases. Un effet essentiel dans la réussite d'une bande dessinée, et qui est plus que jamais présent dans ce nouveau tome de L'adoption. Mention spéciale pour les couleurs, là encore superbes, véritablement au service du trait délicat d'Arno Monin.
Le premier cycle de L'adoption était déjà très apprécié, comme d'autres tranches de vie d'Arno Monin (comme le récent Monsieur Jules, chez le même éditeur) ou de Zidrou (je pense au one-shot Lydie, ou encore à Les Beaux étés, entre autres). Ce troisième tome n'est ni plus ni moins que le prolongement ou la quintessence de ces séries précédentes.