Les Chroniques de l'Imaginaire

Fatty, le premier roi d'Hollywood - Frey, Julien & Nadar

1960, sur le tournage de la Quatrième dimension, alors qu’il doit convaincre Buster Keaton de venir lui-même faire les essais de lumière sur un tournage, Andrew, l’un des assistants, vient frapper à la loge de l’une des plus anciennes vedettes du cinéma. Buster Keaton refuse de venir faire les essais, mais commence à parler à Andrew d’un vieil ami à lui : Fatty, avec qui il était très lié au début de sa carrière.

Fatty, né Roscoe Arbuckle, a fait partie des pionniers du cinéma dans les années 1910. Acteur et réalisateur ultra populaire à son époque, il tourne et réalise plusieurs films avec Buster Keaton, et les deux hommes deviennent amis. Tout réussit à Fatty. Ses films sont des succès, il enchaîne les gags et les situations comiques, et les producteurs s’arrachent ses films.

Tout va bien pour lui jusqu’au jour où, en septembre 1921, lors d’une fête privée très arrosée organisée dans un hôtel de San Francisco, Virginia Rappe, une jeune actrice, décède suite à de violentes douleurs dans le bas ventre. Très vite, Fatty est accusé de l’avoir tuée, alors qu’il l’a juste découvert dans sa chambre, en pleine souffrance.

Fatty subit donc une lente descente aux enfers, avec trois procès consécutifs, et des campagnes de presse lancées contre lui. Randolph Hearst, magna de la presse, est à la tête des accusations fantaisistes reprises dans tous les journaux, et ce qu’il ignore, il l’invente. Créant ainsi des mouvements de protestations très violents contre Fatty. Les gens veulent le voir payer pour son supposé crime.

Bien que finalement acquitté par manque de preuve, Fatty ne peut plus travailler avec les studios qui refusent de collaborer avec lui.

J’avais déjà entendu parler de cette affaire en lisant quelques ragots sur les mœurs d’Hollywood au temps du cinéma muet, et c’est avec un grand plaisir que j’ai dévoré cette BD qui raconte l’histoire de Fatty.

Le scénario est très fidèle à la réalité, et l’histoire à peine romancée, comme l’indique Serge Bromberg dans la postface. La patte du dessinateur est parfaite pour rendre l’histoire très cohérente et visuellement réussie.

Les visages de Fatty et de Buster Keaton sont très fidèles à la réalité, au point que j’ai été étonnée en voyant une photo de Fatty juste après avoir refermé ce roman graphique (je ne connaissais pas son visage avant). Le dessinateur a en effet réussi à rendre avec un effet très réaliste le visage poupin et souriant de Fatty, ce qui l’a rendu encore plus vivant à mes yeux à postériori.

Les différentes parties du roman graphique sont de très bonne facture, et Nadar arrive à reconstituer les ambiances avec un subtil jeu de couleurs qui nous fait bien comprendre, d’un simple coup d’œil, si les scènes qu’on va lire sont de nature légères ou plus tragiques. Le côté sombre des procès est très bien rendu d’ailleurs, et on y sent toute l’injustice qui s’y est déroulée pendant plusieurs mois et on y voit ensuite la lente descente aux enfers de Fatty, qui perd tout ce qu’il avait.

J'ai trouvé pertinent la remise en contexte suite au scandale de ce procès ultra médiatisé. Comment sont arrivées les premières restrictions qui déboucheront, plus tard, sur l'adoption du code Hays au sein des grandes compagnies cinématographique. Fatty, bien qu'acquitté, n'a pas pu reprendre le chemin des studios parce qu'il avait été placé sur une liste noire, liste qui deviendra tentaculaire et touchera toutes les branches du cinéma en ajoutant au fur et à mesure des interdiction telles que : pas de baiser prolongé à l'écran, beaucoup plus de morale, etc...

Une très bonne découverte donc, j’ai beaucoup apprécié cette lecture.