Richard, duc de Gloucester, est insatisfait. Sa famille, la maison d'York, vient de remporter une victoire décisive sur la maison de Lancastre et son frère Édouard est désormais solidement installé sur le trône d'Angleterre. Et pourtant, Richard est insatisfait. Son âme, aussi noire que son corps est contrefait, l'incite à conspirer pour le pouvoir suprême. Il n'aura aucun scrupule à utiliser les hommes et les femmes susceptibles d'avancer sa cause, et pas davantage à éliminer celles et ceux qui risquent de lui barrer la route. Frères, épouse, neveux, amis, nul n'est à l'abri des ambitions dévorantes du duc, désormais roi Richard, troisième du nom. Mais l'Angleterre est exsangue et les derniers espoirs de la maison de Lancastre se reportent sur un jeune prince en exil, Henry Tudor, comte de Richmond. Une ultime bataille entre les deux hommes décidera du sort du pays et de la guerre des Deux-Roses.
La tragédie de Richard III est l'une des pièces les plus célèbres du légendaire dramaturge anglais William Shakespeare et sa réputation n'a rien d'usurpée. Elle repose avant tout sur son protagoniste éponyme, le duc de Gloucester, devenu dans l'imaginaire populaire l'archétype du manipulateur machiavélique et dépourvu de conscience. Dès son premier monologue, au début de la première scène du premier acte, il annonce la couleur : il est mauvais, il aime faire le mal, et il va faire le mal. Et le pire, c'est qu'il va nous faire aimer ça ! Avec sa rhétorique onctueuse et bien rodée, il en arrive à convaincre la mère des princes qu'il a fait assassiner de lui donner la main de sa fille. Même en sachant qu'il s'agit également de sa nièce (bonjour l'inceste), on ne peut qu'admirer les trésors argumentatifs qu'il est capable de déployer pour parvenir à ses fins.
Folio propose ici une édition bilingue du texte de la pièce, avec la traduction en vis-à-vis du texte original, ce qui est très appréciable quand on lit l'anglais. Ce n'est pas que la traduction de Jean-Michel Déprats soit mauvaise, c'est même tout le contraire, mais elle reste plus littérale que littéraire et c'est un régal d'avoir accès à la poésie du texte original juste en face. La mise en page est très lisible, même si (comme toujours avec cet éditeur) on regrettera que les notes explicatives soient regroupées à la fin du livre plutôt qu'insérées en bas de page, ce qui oblige à de fastidieux va-et-vient.
Un dossier critique de qualité encadre le texte. On y trouvera une biographie chronologique du dramaturge, des explications sur l'histoire de la pièce (ses éditions et ses représentations), un résumé détaillé et des fiches biographiques sur les personnalités historiques ayant inspiré les personnages de la pièce (toujours bon à prendre quand on se perd entre ses ducs et ses comtes, d'autant que Shakespeare prend pas mal de libertés avec l'Histoire), ainsi qu'une analyse littéraire des grands thèmes et sujets de la pièce.
En bref, c'est une édition de grande qualité et tout à fait abordable (aussi bien en termes de contenu que de prix) d'un chef-d'œuvre du théâtre anglais. Que demander de plus ?