La revue GandahaR poursuit son cycle métamorphique entamé avec son numéro précédent. Dix nouvelles au sommaire de ce vingt-neuvième numéro, c'est un peu moins que dans le précédent, mais ça veut seulement dire qu'elles sont moins courtes, pas qu'elles sont moins bonnes, loin de là.
Les métamorphoses, ça peut être animal. C'est ce dont parle Anthony Holay dans Un temps de chien, et sa relation chien-maître qui bascule cul par dessus tête à la suite d'une invasion extraterrestre. C'est aussi le sujet de De l'amour à la Lune de Grégory Motte, une histoire de loup-garou assez conventionnelle racontée sous forme de journal intime. Entre loups-garous et licornes, L'épreuve de l'aube de Jordi Villa Cornellas est un joli récit de fantasy initiatique qui conclut le recueil sur une note positive.
Les métamorphoses, ça peut aussi être végétal. Deux textes ont choisi cet angle d'attaque : Chrysalide, nouvelle de July aux accents gentiment surannés qui s'achève un peu en queue de poisson, et Une bouffée d'air, dans laquelle S.K. Hutchinson nous convie à un road trip post-apocalyptique plein de tension vers la légendaire forêt de Brocéliande.
Les métamorphoses, il y en a d'autres types qui nous atteignent au plus profond de notre chair. Le protagoniste de Deus ex machina de Grégory Covin se transforme ainsi progressivement en machine destinée à sauver l'humanité dans ce récit de boucle temporelle un poil prévisible mais fort bien mené. Celui de La voie des Choisis de KeoT atteint quant à lui un stade de vie supérieur à travers la souffrance, les privations et la scarification. C'est un texte rude dont les descriptions viscérales n'épargnent aucun détail à son lectorat.
Enfin, les métamorphoses, parfois, c'est juste dans la tête. Ainsi en va-t-il dans Métamorphose de Sylvain Armand, l'histoire d'un cambrioleur fauché dont le dernier casse prend un tour inattendu. Le lien avec le thème du numéro est plutôt ténu et repose sur le pouvoir magique d'une étrange bague, mais ça reste une nouvelle de lecture agréable. J'ai moins apprécié la manière dont Noé Gaillard cligne de l'œil en direction d'Ovide dans Par Jupiter qui en connaît un rayon, texte qui m'a paru vieillot dans la forme et dans le fond. Enfin, Charlotte Bona s'attaque à des sujets d'actualité dans I Care, dans un futur proche où la France est en proie à une pandémie foudroyante dont les victimes sont parquées dans des camps d'isolement. La métamorphose joue ici aussi un rôle purement secondaire dans l'intrigue, mais encore une fois, c'est une nouvelle si plaisante qu'il serait dommage de bouder son plaisir.
Les rubriques éditoriales sont réduites à la portion congrue dans ce numéro, avec seulement quelques chroniques de livres parus récemment. On excusera tout à fait Christine Brignon en voyant qu'elle a préféré consacrer son temps à produire l'intégralité des illustrations intérieures. Son coup de crayon est toujours aussi plaisant et apporte une unité bienvenue à ce recueil de textes qui abordent leur thème commun de manières fort variées.