Les Chroniques de l'Imaginaire

Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur - Leblanc, Maurice

Classique mais indémodable, laissez-moi vous présenter notre héros : le facétieux Arsène Lupin. Insaisissable voleur de haute-voltige, il réussit à se fondre dans tous les décors quitte à devoir endosser les costumes les plus inattendus. Tour à tour chauffeur, ténor mais aussi prisonnier, commis voyageur marseillais, médecin russe ou même torero espagnol, rien ne l’arrête ! Pour parvenir à ses fins, « l’homme aux mille déguisements » n’hésite d’ailleurs pas à s’entourer de complices finement soudoyés qui viennent emmêler davantage les ficelles de l’intrigue. Car c’est là tout l’intérêt : en étant partout, Lupin n’est jamais là où on l’attend. 

Rusé, espiègle et désinvolte, il garde toujours un coup d’avance. Seule trace de son passage : sa carte de visite, pied de nez ultime aux services de police, principalement incarnés par l’inspecteur Ganimard, qui lui courent perpétuellement après. On se prend d’affection pour ce duel tragi-comique, savoureux et piquant, dont le jeu des échanges prend parfois des allures de théâtre de marionnettes où le personnage du gendarme est tourné en dérision. Tout en modifiant sans cesse son apparence, Lupin joue également à varier les tons, « de la plus exquise courtoisie à l’argot des prisons », ce qui le rend d’autant plus sympathique, accessible et populaire. Même la caractérisation de ses victimes lui confère des airs de Robin des Bois. Il ne s’en prend qu’aux riches vaniteux, ces bourgeois opulents qui, si on l’écoute, ne demanderaient presque qu’à être dépouillés ! Du reste, peu d’entre eux parviennent à échapper à ses plans minutieusement organisés. Mais une certitude subsiste : Lupin met un point d’honneur à n’assassiner personne, si ce n’est leurs egos démesurés. 

Avec toutes les cartes en mains, vous pouvez à présent vous plonger dans la lecture de cette nouvelle édition préfacée par le romancier et historien de l’art Adrien Goetz. Parues en 1905, les neuf premières aventures de notre « voleur national » sont ici agrémentées d’un dossier particulièrement bien documenté avec des références au contexte historique de l’époque. On y trouvera notamment les dates majeures de la vie de Maurice Leblanc, mises en parallèle, par déduction, d’après l’ensemble des œuvres qui lui sont consacrées, avec celle d’Arsène Lupin. Autant d’éléments qui, ajoutés à une langue élégante, offrent une expérience de lecture immersive au cœur de la Belle Époque.

Tel un roman feuilleton, le voyage commence par l’arrestation d’Arsène Lupin sur un paquebot de croisière transatlantique et entraîne le lecteur dans une succession de péripéties prodigieuses et renversantes. Tout en essayant de ne rien divulgâcher, on peut dire que Maurice Leblanc s’amuse à renverser les codes du genre policier. Avec un goût prononcé pour le mystère, il parvient à lier au fil des chapitres des faits qui lui sont contemporains avec des personnages qui demeurent encore aujourd’hui emblématiques. Il suffit de voir le succès de la série Lupin pour comprendre que ce « Don Juan du crime » continuera de captiver toutes les générations.