Envie d’échapper au stress urbain, à la routine ou simplement de mettre une touche de couleurs dans toute cette morne grisaille, ce recueil est fait pour vous. Véritable condensé d’air pur, il contient neuf nouvelles inédites qui permettent, le temps de leur lecture, d’ouvrir une fenêtre sur l’immensité de la nature.
On commence aux détours d’une plage bretonne, liée à des souvenirs profondément enfouis qui sondent la connexion entre un lieu et un être. C’est la conquête d’un bonheur que nous livre Catherine Cusset. Un bonheur obtenu au prix d’un corps à corps avec les lames blanches de ces vagues glacées qui heurtent mais auxquelles l’âme se raccrochera en pleine tempête. Parce que c’est là que l’esprit revient. C’est là qu’il se repose, comme en convalescence, pour arriver à redonner du sens à ce qui n’en a plus. On a tous en tête cette carte postale, ce paradis réconfortant, cette cabane du pêcheur où l’on peut venir s’asseoir et souffler sur les mauvais rêves. Décrite comme une madeleine de Proust, la plage de Catherine Cusset est pourtant loin d’être parfaite. Elle est brute, hostile et inaccessible aux badauds, mais c’est la sienne, celle de son premier amour, de sa nudité et de ses interdits. Et si les interdits ont toujours une saveur particulière, ils semblent ici porter le goût iodé et tourmenté des embruns de l’Ouest breton.
Un tourbillon plus tard, on se retrouve à des kilomètres avec la plume napolitaine d’Erri De Luca qui décrit en deux pages à peine le parcours fulgurant de la nature. Depuis le choc de la vie, « au terme d’une course et d’une attraction », jusqu’à l’ascension finale, incarnant le paroxysme d’une espèce humaine qui « met à profit tout ce qui l’entoure ». Éblouissant, mais quelque peu furtif, cet hommage aurait bien mérité d’être plus étoffé.
Davantage exaltée, l’écriture de Jean-Baptiste Del Amo m’évoque ce proche qui vous prenait par la main lorsque vous étiez enfant. L’auteur se remémore le surgissement de l’animal, vécu alors comme un événement à part entière. Tritons, lézards, couleuvres à collier ou simples vers de terre, ces bêtes que l’on ne perçoit bien souvent qu’à la dérobée incarnent une fragilité qui fascine autant qu’elle nous dépasse. Conscient de la précarité d’un équilibre qu’il faut précieusement préserver, Del Amo nous rappelle qu’il suffit d’un instant pour tout faire vaciller.
C’est sur cet instant précis que revient Sonja Delzongle, le temps d’évoquer une scène digne d’un documentaire animalier. Immortalisé lors d’un safari au cœur de la somptueuse réserve naturelle de Massaï-Mara au Kenya, l’instant sacré de l’attaque, menée par quatre lionnes contre une bufflonne et son petit, remet certaines lois en perspective. Chair crue, canines, griffes, rugissements, salive et sang : dans cette lutte acharnée, ténacité et bravoure sont les maîtres mots. D’une justesse implacable, la nature que l’on considère à tort comme cruelle n’est en réalité que l’expression d’un élan ardent de vie. Sonja Delzongle décrit avec émotions cet instinct sauvage, joint par la solidarité du groupe et la protection maternelle, qui aspire au plus grand des respects.
Pourtant, on sent bien qu’on la malmène cette faune, notamment à travers le texte de Carole Martinez, sobrement intitulé Le sansonnet. Point de mélopée gracieuse pour ce petit oiseau qui partage la compagnie d’une femme recluse derrière les fenêtres crasseuses d’une maisonnette. L’un enfermé dans une cage, l’autre menacée par les colères dévastatrices, les mensonges éhontés et la jalousie possessive d’un époux despotique. Il leur faudra être audacieux pour s’affranchir de leurs limites et goûter pleinement aux joies d’une liberté nouvelle.
On souffle et on prend de la hauteur avec Luc Lang et Jean-Christophe Rufin qui nous entraînent, pour l’un vers les sommets pyrénéens, pour l’autre vers les glaciers moribonds du Mont-Blanc. Des textes forts et engagés, tout comme celui de Ron Rash, un de mes auteurs américains préférés. Avec un regard à la fois lumineux et sensible, il nous transporte directement au cœur des Great Smoky Mountains en Caroline du Nord. Magicien des mots et grand amoureux de la nature, il nous révèle le combat de Horace Kephart, écrivain et bibliothécaire qui consacra une majeure partie de sa vie à lutter pour la sauvegarde de ces montagnes.
Ne jamais perdre espoir et continuer de s’émerveiller, c’est également le message que souhaite transmettre Monica Sabolo en partageant des souvenirs de plongée en Méditerranée. On revêt masque, palmes et tuba pour s’aventurer dans les fonds marins. On découvre par-ci « une crèche confectionnée à l’intérieur d’une grotte », on rencontre par-là une pieuvre intrépide et affectueuse. Telle une danse, on les imagine toutes deux enlacées et bercées par la houle.
Loin des discours moralisateurs, ce recueil offre une seconde chance pour apprivoiser ses rêves et faire de chaque moment une aventure, en réinventant sans cesse le lien ténu avec la nature.