Relire un de ces premiers romans de science-fiction fut un pur regal. Comment Mary Shelley, alors âgée de dix-huit ans, a pu imaginer une telle histoire avant-gardiste à l'époque du dix-neuvième siècle ? Frankenstein, qui a tant fait frémir les enfants dans les foyers, est un roman poignant, remettant en question dans le milieu scientifique la performance d'un médecin, son égoïsme, et la solitude.
Dr Frankenstein, jeune homme fortuné et doué dans son domaine, est voué à une vie sans encombre et pleine de succès. Amoureux de sa cousine Elisabeth, celle-ci lui est promise une fois ses études finies. Mais l'homme a soif de nouveauté. Il connaît un réel succès dans la médecine, voyage, s'instruit mais ne souhaite pas s'arrêter là. Et c'est ce projet fou de créer cet être surhumain qui le conduira à sa perte. Victor Frankenstein n'assumera jamais cette irresponsabilité.
La créature ne fait pas peur, c'est plutôt la noirceur dans laquelle nous plonge ce roman qui est un réel supplice. Un jeune médecin voit sa renommée devenir énorme, et se perd dans sa soif de science. Il créera un être intelligent et bon, mais qui, au fur et à mesure qu'il se rendra lui-même compte de sa laideur physique, deviendra l'être le plus seul au monde, et en voudra terriblement à son maître créateur. Il se transformera alors en cette créature impitoyable. C'est l'homme dans toute sa splendeur qui, à force de courir après le savoir et la célébrité, est là, punit, et va connaître une telle déchéance qu'il ne pourra s'en remettre.
Mary Shelley nous livre ici un intérêt historique indéniable pour la science-fiction. L'écriture date du dix-neuvième, mais la lecture y est facile, et même si on connaît avant de commencer l'épilogue, on ne se lasse pas de revivre cette terreur littéraire. Frankenstein nous a fait peur au cinéma, mais ici nous sommes loin du monstre vert indescriptible. On l'appelle Frankenstein mais on sait bien que c'est le nom de son créateur qu'il porte au final. Ne serait-ce pas alors le savant qui est l'abominable monstre ? Et la bête innocente ?
Je remercie les éditions Bragelonne d'avoir édité à nouveau ce roman sous un format qui nous rappelle nos vieilles bibliothèques où les couvertures étaient rigides, le dos arrondi, sans oublier le petit ruban bleu en tissu marquant nos pages. Ce roman est juste un livre qui a subi beaucoup de transformations au fil des années et des supports sur lesquels on nous a raconté cette histoire, mais il est bon de relire l'original, avec une excellente traduction de Maxime Le Dain, pour ne pas oublier que les savants fous peuvent faire du mal sans le vouloir quand ils se perdent dans leur élan scientifique.