Les Chroniques de l'Imaginaire

Le couteau (Harry Hole - 12) - Nesbø, Jo

Si on se demande quelle est la chose la plus horrible qui puisse arriver à un personnage, Jo Nesbø a trouvé la réponse et en a fait une nouvelle histoire dans la série des Harry Hole.

Enquêteur au sein de la police criminelle d’Oslo, « Harry fucking Hole », aussi surnommé « The demolition man », n’est plus que l’ombre de lui-même depuis que Rakel, l’amour de sa vie, l’a quitté. Relégué à des affaires de second rang, il passe ainsi la majeure partie de son temps à écumer les bars, provoquer des bagarres et finir la gueule en vrac.

Alors qu’il se débat en plein naufrage mental, il apprend que Svein Finne, ce violeur en série qu’il avait arrêté dix ans plus tôt, vient d’être libéré de prison à tout juste soixante-dix ans. Harry Hole demeure persuadé que rien ne peut empêcher ce détraqué sexuel de poursuivre ses crimes. Baptisé « Le Fiancé », Svein Finne engrosse ses victimes et les poignarde si elles ne portent pas sa progéniture à terme. Dénigré par sa hiérarchie, Hole « le paranoïaque, enragé et bourré » n’entend évidemment pas rester les bras croisés et décide ainsi d’outrepasser les ordres en repartant à la chasse à l’homme.

Mais tout se complique un matin, alors qu’il se réveille avec une énième gueule de bois et qu’il découvre ses mains couvertes de sang. Un sang qui n’est pas le sien et pour couronner le tout, plus aucun souvenir de la soirée passée. Pas le temps de tergiverser, il est appelé sur les lieux d’un meurtre : celui de Rakel.

C’est le début d’une impitoyable descente aux enfers ponctuée de mensonges et de manigances qui vont nous mener aux limites de la folie pure. Chacun des personnages qui gravitent autour de Hole recèlent une fêlure, une de ces blessures destructrices qui laisse planer le doute quant à leur part d’implication dans cette énigme. 

Voilà un polar riche en rebondissements et en suspects qui m’a enfin permis de découvrir le héros de Jo Nesbø. Je pensais arriver un peu tard, en prenant en cours de route la douzième enquête de Harry Hole, mais cette histoire peut totalement se lire indépendamment des précédentes. Les portraits des personnages sont si finement décrits dans leurs méandres psychologiques et leurs interrogations morales que, même si l’intrigue n’a rien de novatrice, les 688 pages m’ont complètement happée pour mieux me retourner le cerveau.

Au-delà d’une enquête policière, cette histoire est une véritable tragédie où l’on flirte avec les frontières manichéennes des rôles sous couvert d’humour et d’auto-dérision. Si pour Hole « rien n’est pur mensonge, tout n’est que point de vue », c’est aussi parce qu’avec des tas d’ennemis à sa porte, il doit mieux que quiconque savoir naviguer en eaux troubles pour démêler le vrai du faux et distinguer les rats prêts à quitter le navire. 

Alors, bien que dans le genre, le profil de l’enquêteur en bout de course, ébranlé par la vie, a un air de déjà vu, sa gouaille et son instinct en font un personnage sacrément attachant. Et c’est sans parler de ses goûts musicaux ! À lire tout en écoutant, sans relâche, en arrière-plan, les titres évoqués parmi The Clash, Ramones ou encore Lou Reed.