Alma, le Dodo, les Felsen.... Ils ont tous disparu. Ils se sont effacés. Tout n'est que souvenir, juste quelques traces s'accrochent pour ne pas oublier mais jusqu'à quand ? Jean-Marie Gustave Le Clézio nous signe là un petit chef d'oeuvre de la littérature contemporaine nous interpellant sur la disparition d'un oiseau, de la forêt et d'une génération de colons arrivés fin dix-huitième sans oublier le monde de l'esclavage.
Jérémy Felsen vit en France, il décide de partir à la recherche des traces du Dodo sur l'île Maurice et comprendre aussi l'histoire de sa famille. Il a retrouvé dans les affaires de son père une pierre ronde, une pierre qu'avalait le célèbre oiseau disparu. Il a besoin de savoir, de poser les bonnes questions aux dernières personnes pouvant témoigner du passé.
Alma est le nom de la propriété des Felsen sur l'Ile Maurice propriété où ceux qui ont, en partie, participé à la traite des "marrons" et ont laissé à Dodo ses souvenirs d'un homme heureux, bien portant et où la vie lui souriait. Dominique est devenu Dodo, il est le célèbre et heureux vagabond qui disparaitra de l'île Maurice si chargée d'histoire. Son visage est mangé par la maladie, il n'a plus de paupière et ne peut donc plus dormir. Pour lui, Il n'y a plus de jour, il n'y a plus de nuit. Il suit son chemin sans oublier sa mère nourricière, sa patrie et ses parents.
Aussi, il ne faut pas oublier la forêt qui disparaît également petit à petit de cette île merveilleuse pour donner naissance à l'industrie du sucre lors des plantations des champs de cannes, tout cela au détriment d'une faune et d'une flore qui s'éteindra.
Qui porte encore la faute de toutes ces disparitions ? Qui veille encore sur ces trésors enfouis ? Cela est-il toujours embarassant ? Les camps des esclaves détruits, les monuments de pierres noires cachés pour ne pas gêner les touristes essaient de résister. Ne pas oublier et témoigner reste le seul geste à faire car il est déjà trop tard. Le Dodo n'est plus, Dodo Felsen a disparu en France, la végétation essaie de renaître tant bien que mal, Alma est effacée de la carte, Jérémy est rentré à la maison sans obtenir une réponse à toutes ses questions, on a oublié le nom de ceux qui ont travaillé et construit l'île, les noms s'effacent aussi bien sur les tombes que dans les mémoires.
Ces histoires racontées ici dans ce roman de Le Clézio ont au final le même destin : disparaître. Elles ont toutes ce point commun. Chacune suit son chemin parallèlement mais toutes sont vouées à la même fin. L'auteur ici nous relate une société de consommation au prix de la destruction, une société qui oublie l'humain et la nature qui l'entoure. Le constat est là. Comme le Dodo, sommes-nous voués à disparaître?
L'écriture de ce prix Nobel de littérature est sans appel. C'est attirant, doux, percutant et les chapitres défilant nous éveillent à la réflexion du monde qui nous entoure. Je me suis ruée sur la toile pour connaître le fameux air que Dodo notre vagabond joue si régulièrement : Auld Lang Syne... Et je n'ai découvert que l'air de : Ce n'est qu'un au revoir mes frères...