Les Chroniques de l'Imaginaire

Marche blanche - Castillon, Claire

Un mercredi après-midi comme il en existe tant d'autres. Une mère et sa fillette de quatre ans déjeunent dans un parc en attendant un rendez-vous chez le dentiste. Il fait froid et la petite commence à s'impatienter. Plutôt téméraire, elle décide, sans avoir demandé la permission, d'aller au-delà de la limite autorisée, celle du bac à sable. Sa mère la retrouve et la réprimande aussitôt mais, plutôt fusionnelles, rien ne peut entacher leur complicité. Elles se lancent alors dans une partie de cache-cache. La maman commence à compter quand le jeu va soudainement se transformer en un long cauchemar, celui redouté par tous les parents : la disparition inexpliquée de leur enfant.

Vingt-sept secondes qui, en un battement de cils, deviennent des années. Dix pour être exacte. Dix années d'impression et de diffusion d'avis de recherche, de vieillissements de portraits, d'interviews, de fouilles infructueuses et tout autant de marches blanches commémoratives. Dix années où les jours se sont succédés sans apporter de lueurs d'espoir aux parents, jusqu'à l'arrivée d'un camion de déménagement en face de leur maison. Les nouveaux voisins ont deux enfants, dont une fille de quatorze ans qui ressemble traits pour traits à la fillette disparue. 

Au-delà d'un thriller psychologique, Marche blanche est le récit d'une descente aux enfers et de l'impossible reconstruction pour un couple dont le mari se bat, tant bien que mal, pour survivre dans l'ombre de ce drame. Un drame fictif qui sonne pourtant terriblement vrai tant la narration, à la première personne, nous colle à la peau. On devient cette mère de famille qui se noie dans le déni, cette femme dont émane une succession de mots qui, parfois, n'ont ni queue ni tête. Parce que plus rien n'a de sens. Parce que tout n'est plus qu'un long râle de désespoir. 

On flirte à l'orée de la folie pure. La mère s'enferme dans ses tourments, submergée par le chagrin, la colère de sa propre culpabilité et l'effroi du temps qui passe. Hermétique aux autres, elle va pernicieusement développer une véritable obsession pour la jeune fille, persuadée qu'il s'agit en réalité de la sienne. Un délire qui va jusqu'à la faire basculer dans des états seconds, rythmés par des infractions et des mensonges.

J'avais découvert la plume caustique de Claire Castillon à travers différents portraits de jeunes filles, amoureuses d'hommes plus âgés, dans son recueil de nouvelles sobrement intitulé Les Messieurs. J'en avais gardé un bon souvenir, disons plutôt badin, avec un style d'écriture léger mais perspicace. 

Cette fois-ci, le changement de décor est renversant et, si le style est toujours efficace, le ton est nettement plus lourd. C'est une lecture âpre et déroutante, ponctuée de phrases courtes, parfois incohérentes mais totalement adéquates avec le personnage principal. Bien ficelée, cette histoire n'en est pas moins tristement pesante et, parce qu'elle peut en affecter certains plus que d'autres, je ne peux malheureusement pas la conseiller à tout le monde.