Les Chroniques de l'Imaginaire

Stoneburner - Gay, William

Prenez trois mecs à moitié ravagés. Ajoutez une sulfureuse pin-up blonde et délurée. Soupoudrez d’une poignée de billets et mélangez le tout afin d’obtenir un classique des romans noirs américains.

Nous sommes dans les années 70. Sandy Thibodeaux et John Stoneburner viennent de rentrer du Vietnam et la guerre leur a laissée quelques séquelles. Une querelle sentimentale vient s’en mêler et chacun décide de poursuivre sa route de son côté. 

Thibodeaux vivote, alternant petits boulots et gros goulots pendant que Stoneburner s’est reconverti en détective privé. Ils ne se doutent pas un seul instant qu’ils vont être amenés à se retrouver, pris dans une sombre histoire d’argent sur fond de meurtres et de trafic de stupéfiants. 

L’argent manquant est celui de Cap Holder. Cet ancien flic, qui se la joue acteur-studio et baron de la drogue locale à ses heures perdues, donnerait tout pour retrouver ses billets mais surtout pour ramener Cathy Meecham, la charmante blonde qui a disparu avec. Et pour ça, il engage Stoneburner. 

Commence alors un véritable jeu du chat et de la souris. Un jeu intensifié par la construction du roman, en deux parties, qui agence les points de vue pour mieux reconstituer l’histoire dans sa globalité. Ce rythme alterné permet à l’histoire de ne pas s’essouffler car le choix opéré par l’auteur, de ne pas indiquer les dialogues par des tirets ou des guillemets, rend la lecture parfois assez compliquée.

En dehors de cet aspect, et de certains clichés (la femme fatale au milieu d’un combat de coqs, la figure du looser qui enchaîne les mauvaises décisions et bien évidemment le magot qui disparaît), l’ambiance demeure au rendez-vous. Parsemée d’humour noir bien grinçant et de réparties cinglantes, elle nous embarque dans une course-poursuite digne d’un western des temps modernes. 

Si l’histoire débute dans un comté paumé du Tennessee, elle outrepasse assez vite les frontières pour nous trimballer jusqu’au Texas en passant par le Mississippi et l’Arkansas, quitte à perdre quelques roues sur le plateau enneigé des Ozarks.

On roule avec eux, assourdis par la musique country et imprégnés d’effluves de tabac et de whiskey bon marché. Les paysages défilent et il en va de même pour les modèles de voitures et les armes à feu. Une Mustang rouge vif décapotable pour madame, une Falcon bleu pastel qui termine sa course dans un fossé, ici un vieux pick-up Ford, là une Corvette jaune canari ou encore une Cadillac Eldorado lustrée noire. Toutes verront leurs carrosseries cabossées ou détruites par des volées de plombs tirées au choix par un Glock, des calibres 45, des .30-30 ou encore un Browning à canon scié, traditionnellement rangé sous le siège. 

Comme dans tout bon roman noir US, on ne s’étonne plus d’y retrouver une certaine forme d’apologie des voitures, des cigarettes, de l’alcool et des armes à feu. C’est une lecture en dents de scie mais qui mérite totalement mon indulgence. Surtout quand l’auteur n’est plus de ce monde, qu’il entretenait une amitié littéraire avec les talentueux Ron Rash et Cormac McCarthy ou simplement parce qu’il admirait l’inégalable William Faulkner.