Les Chroniques de l'Imaginaire

Amour et sexe au futur (Gandahar - 30)

Après Galaxies-SF, c'est au tour de GandahaR de s'intéresser aux choses de l'amour et du sexe, sujets aussi délicats qu'universels. Au programme : onze nouvelles, accompagnées d'une brève présentation de la bande dessinée Druuna, série érotico-SF du bédéaste italien Paolo Eleuteri Serpieri, par la rédactrice en chef Christine Brignon, ainsi que d'une rétrospective de Jean-Pierre Fontana sur la manière dont la science-fiction française a abordé la sexualité depuis le dix-huitième siècle jusqu'à nos jours.

Parmi les nouvelles, certaines sont très chastes, mais la plupart n'hésitent pas à offrir des descriptions détaillées émoustillantes, à réserver néanmoins à un public averti. On commence avec Le pacte, de Lotte Sardane, où l'humanité du futur, dominée par la technologie, se retrouve confrontée aux Ældiens, une race extraterrestre toute en sensualité. Son héroïne, l'amirale de la flotte stellaire, tente de négocier une aide tactique avec l'Ældien Ren, au risque d'être prise dans un marché de dupes… C'est une bonne entrée en matière pour la revue, qui donne le ton d'ensemble.

David Turambar Kolacinski propose avec Explorations le récit des aventures d'une expédition scientifique dont les membres, qui viennent d'atterrir sur une planète inconnue, sont soudain en proie à une irrépressible excitation. L'hypothèse Gaïa revue à la sauce Aphrodite, c'est gouleyant sans être particulièrement profond. À l'inverse, Tu Wüst adopte un ton beaucoup plus mesuré dans Extra-muros. Cette jolie fable raconte une histoire d'amour sincère entre deux individus que tout sépare, dans une société de castes rigides. C'est parfois agréable de tomber sur un texte qui ne cherche pas à tout prix un retournement de situation forcé ou une pirouette finale.

Dans Balade de l'autre côté, Samuel Lévêque raconte les pérégrinations de deux femmes, l'une pilote et l'autre soldat, dans un no-man's-land où elles se sont retrouvées piégées malgré elles. C'est un récit de voyage fort bien mené, qui équilibre à merveille dialogues, psychologie des personnages et description d'un monde intrigant. Peut-être ma nouvelle préférée du lot. Jean-Michel Marche nous invite quant à lui aux Jeux de la Passion dans La danse de la passion, avec une journaliste chargée de couvrir les épreuves de cette compétition sportive pour le moins particulière. Avec une alternance trop fréquente de points de vue, la forme ne m'a pas entièrement convaincu, et la chute est un peu attendue, mais les descriptions sont efficaces.

Le fléau d'Empyrée, de Kévin Gallot, a pour protagoniste un cyborg hermaphrodite gigolo qui rêve de se faire greffer un implant susceptible de lui ouvrir les portes du plaisir ultime. C'est un récit d'aventure bien mené dans un monde convaincant. Je n'ai pas été aussi convaincu par L'ardeur amoureuse, de Matthias Tauveron, dont le héros est lui aussi plongé dans une sorte de quête mystique et sensuelle ; la faute à un style un peu trop flamboyant qui sacrifie au passage toute clarté.

Suivent deux exercices de style distrayants. Renée Zachariou propose avec la très courte X-Pill le faux discours d'une PDG très fière de son produit, un cachet qui procure un orgasme instantané, tandis que Baptiste La Barbe reprend de son côté les codes du discours technocratique dans Ensemenceur d'étoile, parodie finement vue d'un compte-rendu de conseil scientifique confronté à un phénomène d'ampleur à la fois cosmique et érotique. On retombe sur une nouvelle plus conventionnelle avec Désintégrations, un texte plein de désespoir dans lequel Stéphane Miller dépeint l'histoire d'amour entre un cancéreux aux portes de la mort et une jeune femme génétiquement modifiée pour acquérir des traits ophidiens et dont le venin est un puissant aphrodisiaque. En guise de dessert, Élie Bouët nous offre un Abricot, fin du monde brève et et drôlatique.

Bref, ce trentième numéro constitue encore une excellente livraison de GandahaR. Mon unique bémol porterait sur les illustrations ; si la couverture est splendide, l'intérieur présente des photographies retouchées avec de grands aplats de couleurs criardes qui ne m'ont vraiment pas plu. Mais, tout comme la poignée de coquilles que j'ai aperçues de-ci de-là, ce n'est qu'un détail franchement mineur au vu de la très grande qualité des textes. Vivement le prochain numéro !