Quelques années se sont écoulées depuis les événements de La tour des fous et Reinmar von Bielau, alias Reynevan, s'est fait oublier à Prague, capitale du beau royaume de Bohême. Tout en exerçant ses talents de médecin pour survivre, il a embrassé la religion hussite avec autant d'impétuosité et d'ardeur qu'il embrassait jadis les jolies filles qui passaient à sa portée. Sa vie n'est pas de tout repos pour autant, car beaucoup de gens s'intéressent de près à lui, et ils ne sont pas tous bien intentionnés. Ses coreligionnaires, qui luttent avec succès contre les croisades que suscite régulièrement le pape de Rome pour les éliminer, voudraient bien qu'il mette un peu ses talents de sorcier au service de l'effort de guerre. Ses amis, au premier rang desquels le matois Charley et le mystérieux Samson Miel, voudraient bien qu'il fasse preuve d'un peu plus de prudence et de mesure dans sa foi nouvellement trouvée. Ses ennemis, et ils sont nombreux, ne rêvent quant à eux que le faire mourir dans d'atroces souffrances… Une nouvelle fois, Reynevan va se retrouver balloté d'un péril à un autre sur les routes de Bohême et de Silésie, avec à l'esprit l'image de la femme de ses rêves et au cœur le désir brûlant de voir sa foi triompher.
Les guerriers de Dieu fait partie de ces suites qu'il vaut mieux lire sans attendre. Vous n'aurez pas droit à un résumé des épisodes précédents, tout juste à des allusions plus ou moins claires, et si vous avez oublié le détail des aventures de Reynevan, tant pis pour vous ! C'était mon cas : je n'ai pas relu La tour des fous avant d'ouvrir ce livre-ci, et j'ai eu beaucoup de mal à me replonger dans l'univers dépeint par Andrzej Sapkowski. Le récit n'est pas entièrement incompréhensible, loin de là, mais j'ai tout de même eu l'impression de passer à côté d'un certain nombre de choses. Il faut dire que le tome 1 était très dense en termes de péripéties et de personnages, et si l'on ajoute à ça les noms tchèques pleins de ž et de š et autres combinaisons consonantiques complexes, ce n'est pas évident d'y retrouver ses petits.
Si vous arrivez à surmonter ce problème, ou si vous prenez soin de (re)lire le tome 1 juste avant, vous constaterez que Les guerriers de Dieu est une digne suite de La tour des fous. Le malheureux Reynevan a toujours aussi peu de prise sur les événements, mais il fait preuve d'un peu moins de naïveté et d'un peu plus de maturité, ce qui est appréciable. Pour autant, son nouveau zèle religieux, et les longues diatribes auxquelles il se livre de temps à autres, rendent le personnage agaçant d'une toute nouvelle manière. Ce développement un peu sorti de nulle part semble avoir pour but de lui donner une motivation supplémentaire, avec quelques dilemmes moraux à la clef.
Pour le reste, Sapkowski ne change pas une formule qui gagne et offre une intrigue pleine de rebondissements, surprises et retournements de situation qui garantit qu'on aura toujours envie de passer au chapitre suivant. Le contexte de guerre lui fournit le prétexte à de nombreuses descriptions d'actes plus écœurants les uns que les autres, avec toujours une pointe de complaisance assez désagréable. Si les viols (y compris d'enfants), démembrements et autres énucleations ne sont pas votre tasse de thé, vous aurez tout intérêt à passer votre chemin.
En termes narratifs, Les guerriers de Dieu joue efficacement son rôle de deuxième tome d'une trilogie. Il boucle certaines intrigues amorcées dans le tome 1, tout en introduisant de nouvelles complications qui ne trouveront leur résolution que dans le tome 3. Les fans du Sorceleur et de Sapkowski en général y trouveront leur compte.