Juillet 2012 : c'est sur un bateau, dans un voyage au bout du monde, que tout commence, entre Sylvain Tesson et Cédric Gras... Dans six mois, cela fera deux siècles que la Grande Armée de Napoléon aura fui Moscou pour regagner Paris... Quatre mille kilomètres dans l'hiver du Grand Est, à fuir l'Armée Russe emmenée par le vieux chef Koutouzov, nouvellement promu à son poste par le tsar Alexandre Ier.
Alors, les voyageurs français seront finalement trois, au départ de Moscou, avec leur photographe attitré, Thomas Goisque. Celui-ci commence déjà à prendre en photo le side-car soviétique dans lequel ils feront le voyage. Une machine antédiluvienne, mais presque inusable, qui va pourtant bien souffrir. Les trois amis seront accompagnés de deux Russes, qui partiront le lendemain, après que leurs propres véhicules seront réparés...
Alors, la cavalcade commence, sur les traces de la Grande Armée, le plus possible. Napoléon était aux commandes d'un demi-million d'hommes, et seuls quarante mille arriveront à la Capitale. Une expédition dantesque, à un moment où le froid mordant, rien que lui, se chargera d'exterminer les soldats par milliers. L'Armée russe s'en chargera aussi, mais elle perdra également des dizaines de milliers de soldats. La population paysanne n'aura pas été étrangère aux véritables massacres qui seront alors perpétrés, et ce bien avant d'arriver sur les bords de la Berezina...
Les auteurs n'hésitent pas à comparer la bravoure de l'époque à notre manque de patriotisme évident aujourd'hui... Les grandes armées qui marchaient derrière un seul homme ne sont plus, et on voit mal une telle chose se produire encore de nos jours, où ce qui compte est d'avoir de la 5G, ou le code du wifi local... Pas faux, certes, mais de là à le regretter, il y aura tout de même un monde.
Sylvain Tesson a vécu une véritable aventure, et c'est encore une fois Virgile Dureuil qui se charge des dessins et des couleurs, comme cela était déjà le cas avec le très beau Dans les forêts de Sibérie, paru en 2019 également chez Casterman.
Ce Berezina est ainsi l'occasion de suivre un sacré voyage de treize jours, à conduire dans des conditions météorologiques dantesques, et en prenant le temps de revivre ce que d'anciens soldats ont vécu, comme enfer, il y a deux siècles jour pour jour avec ce voyage initiatique. La neige et le mauvais temps sont quasiment omniprésents dans ce livre, presque un personnage à part entière, qui donne encore un peu plus de désespoir dans cette fuite de l'Armée de Napoléon.
Le livre est ainsi l'occasion d'en savoir un peu plus sur ce qui sera une défaite historique cinglante de Napoléon, tout en s'attachant aux cinq personnages que l'on suit ici avec plaisir. Vivement la prochaine aventure de Sylvain Tesson, mise en image par Virgile Dureuil !