L’histoire commence à l’hiver 1942, à Chelmno, en Pologne, où Saul Laski est prisonnier dans l’un des camps d’extermination nazi. En marge du camp, une partie d’échecs est organisée avec en guise de pions des prisonniers destinés aux chambre à gaz. Deux hommes s’affrontent chacun de son côté de l’échiquier géant, et chacun d’eux est doté du « Talent » que va découvrir Saul, à ses dépens. Le Talent consiste à s’emparer de l’esprit et du corps d’une victime pour en faire sa marionnette. Saul ne peut résister à l’Oberst, un officier allemand, qui se sert de lui au cours de la partie.
Quand Saul réussit à s’échapper du camp et à récupérer sa liberté, il va enquêter pour retrouver la trace de son tortionnaire mais aussi celles d’autres être du même type qu’il appelle vampire psychique.
1980, États Unis. Trois personnes âges se retrouvent, comme chaque année, pour comparer leurs tableaux de chasse. William Borden, Nina Drayton et Mélanie Fuller sont en effet tout trois dotés du Talent et s’en servent afin de perpétrer des atrocités qu’ils essaient de camoufler au reste du monde. Lors de cette réunion annuelle, Mélanie annonce qu’elle se retire de ce qu’ils appellent « Le Jeu », car elle est lasse de jouer. Alors que Mélanie rentrait chez elle, elle est attaquée par son propre majordome, manipulé par Nina. S’ensuit un combat désespéré où les deux femmes utilisent plusieurs passants innocents pour parvenir à leurs fins.
Saul Laski comprend immédiatement que ces combats sanglant sont l’œuvre de vampires psychiques et il se rend à Charleston pour enquêter sur place. Il va faire la connaissance de Natalie Preston, la fille d’une des victimes, ainsi que du shérif du Comté Bobby Joe Gentry à qui il va raconter tout ce qu’il sait des manipulations mentales et de celui qu’il recherche depuis si longtemps. Ils vont commencer à enquêter ensemble afin de trouver ce qui se trame dans l’ombre.
Et ce qu’ils vont découvrir va bien au-delà de ce qu’ils avaient pu imaginer.
Difficile de résumer en quelques mots un roman aussi dense et aussi riche que celui-ci. Dan Simmons nous livre ici une histoire fantastique richement documentée, avec plusieurs trames qui se mêlent et dont on n’arrive à dénouer les fils que dans les derniers chapitres.
Entretemps nous aurons eu droit à plusieurs scènes violentes et sanglantes, mais justifiée pour faire avancer l’histoire, aucune scène n’est gratuite, et ce qui choque c’est l’absence totale de remord de ceux qui possèdent le Talent. Ils ont le Talent, ils s’en servent pour eux essentiellement, et tant pis pour les marionnettes dont ils tirent les fils.
On apprend assez rapidement que seule une poignée d’humains peuvent leur échapper, car ils sont insensibles à la manipulation, ce qui en fait des atouts précieux pour ceux qui se servent du Talent.
L’échiquier du mal est un excellent page turner sous forme de roman choral. On passe d’un personnage à l’autre et d’un endroit à l’autre au gré des différents chapitres et c’est très bien fait pour qu’on ne perde jamais le fil de l’histoire. C’est un réel atout pour ce roman d’une épaisseur conséquente (Mille-deux-cents pages, dans un format difficile glisser dans son sac) qu’on a du mal à lâcher. Avec une pléthore de personnages secondaires, Dan Simmons donne encore plus de profondeur à son histoire qui est vraiment tentaculaire. Tout d'abord centrée sur une poignée de personnages, très vite, elle s'étend au point de donner le vertige.
Une très belle réussite littéraire, qui aborde des sujets qui donnent à réfléchir. Le mal, la manipulation, les envies, la résilience aussi, sur fond de complot à l’échelle d’un pays, voire du monde. Le succès de ce roman depuis sa parution ne s'est jamais démenti, et c'est dû aux qualités intrinsèques du roman et de son auteur qui a bien bossé son sujet pour que, du point de vue historique, on ne puisse rien lui reprocher.
Pour ce qui est de la manipulation mentale, le doute plane encore...