Les Chroniques de l'Imaginaire

Comme ce monde est joli - Fowler, Karen Joy

Recueil de dix-sept nouvelles détaillées ci-dessous pour la plupart.

Ténèbres
Où l'on parle de peste, pandémie, rats et d'un enfant-rat dans des souterrains. Nouvelle déroutante. On ne sait pas où l'autrice veut nous emmener.

Soirée match
Une femme boit un verre seule dans un bar, suite à une rupture amoureuse. Elle est abordée par une autre cliente et la rejoint à sa table. Celle-ci lui tient des propos étranges : dans une autre réalité, les femmes ont plus de pouvoir. Voudrait-elle rejoindre cette autre réalité ? Mais les femmes y sont-elles vraiment ce qu'elles disent être ? A commencer par cette cliente bien mystérieuse...

Lieserl
Freund a vingt-deux ans. Il reçoit une lettre de sa fiancée, restée au pays. Celle-ci est enceinte. Le lendemain, il reçoit une autre lettre : elle a accouché d'une petite fille, Lieserl. Le lendemain, il reçoit une autre lettre, sa fille grandit, elle marche, elle parle. Puis les jours suivants il reçoit d'autres lettres racontant que Lieserl réclame son père, grandit, devient une femme, vieillit, réclamant toujours son papa... Une distorsion du temps intrigante, agréable à lire, surprenante.

Rouge Lily
Un soir, une femme est arrêtée pour excès de vitesse. Le policier est magnanime. Elle n'aura pas d'amende mais elle devra interrompre son voyage pour la nuit et aller dormir chez Mattie, un gîte renommé. Mattie lui conseille d'aller visiter les fameuses grottes de la région, si célèbres. Là, la jeune femme rencontre à nouveau Henry, le policier d'origine indienne qui l'a arrêtée la veille. Henry est un personnage bien singulier qui joue un rôle particulier auprès des femmes de la région, dans un environnement baigné de mystère, avec ces grottes où tout le monde tient à ce qu'elle aille. Dans cette nouvelle, l'imagination du lecteur est mise à contribution.

Leurs derniers mots
Deux sœurs jumelles sont à la recherche de Raphaël, un homme dont elles sont toutes deux amoureuses. Elles ont l'intention de le sommer de choisir entre elles deux. Leur quête va les emmener en bas de 839 marches, au Café du Dernier Mot. Une nouvelle déconcertante, que je n'ai pas vraiment comprise. Trop de mystère.

Du recul
Uncle Niggily est un jeu de cartes qui prédit les événements. Et ses prédictions se réalisent toutes.

En visage
Taki est xénologue et Hesper, sa femme, est poète. Tous deux ont pour mission d'étudier les menes, des êtres étranges, dont les ailes dans le dos sont ornées de dessins représentant des visages humains. Les menes ne parlent pas, n'ont pas de moyen de communication visible. Tous les jours, ils pénètrent dans l'abri de Taki et Hesper et ils touchent leurs objets, palpent leurs visages, leurs corps, empruntent des objets qu'ils abandonnent ensuite dehors et que Taki récupère. Hesper a du mal à se faire à cette situation, si loin de chez elle et des siens qui sont certainement morts depuis longtemps. Les menes sont de plus en plus attirés par elle et par ses poésies. Jusqu'à ce qu'un jour, enfin, ils communiquent... Une nouvelle envoûtante.

La science d'elle-même
Mary est une jeune fille vivant à Lyme. Au début du XIXe siècle, les fossiles sont à la mode. Mary n'a pas son pareil pour faire de merveilleuses trouvailles de fossiles sur la plage de Lyme. L'écriture est très lapidaire. Lors d'un paragraphe dans lequel l'autrice écrit qu'on soupçonne Mary, âgée alors de dix-neuf ans, d'avoir une liaison avec un homme de cinquante-deux ans, elle conclut par cette phrase : "Elle sortit s'acheter un chapeau [...] Elle opta pour un modèle sobre". C'est déroutant, sec, sans émotion.
Il s'agit en fait de l'histoire vraie de Mary Anning, chasseuse de de fossiles anglaise renommée ayant vécu au début du XIXe siècle. Cette nouvelle est déstabilisante car certains événements sont très (trop ?) détaillés puis ensuite plusieurs années s'écoulent en une seule phrase concise.

Verre noir
Où il est question de zombie, de drogue, d'hallucinations, d'envoûtements, de militaires... Je n'ai pas compris grand chose...

La guerre des Roses
Il y a deux camps : la Guilde des Roses, dont le but est uniquement de faire pousser des roses, et la Révolution, ceux qui tentent de survivre. Un jour, on envoie Ruben et une jeune fille de seize ans, désignée cheffe de l'expédition, parlementer avec les gens de la Guilde des Roses pour leur expliquer la Révolution et surtout leur demander de les aider à cultiver de quoi leur permettre de survivre en luttant contre la famine. Une nouvelle florale, presque poétique, certainement pleine de métaphores, dont la fin est assez triste et sombre.

Poplar Street
Dans un quartier résidentiel, un jour des êtres étranges apparaissent. Les habitants se rendent alors compte qu'ils sont coupés du monde : plus de télé, plus de téléphone, les voitures sont toutes en panne. Ils sont prisonniers de ces extra-terrestres mystérieux, qui les nourrissent mais ne leur disent pas ce qui les attend.

Always
Le frère Porter accueille dans la ville d'Always tous ceux qui croient en lui. En échange, il leur assure l'immortalité. Comme tout gourou de secte qui se respecte, il couche avec toutes les femmes de son groupe, et elles n'ont pas le droit de coucher avec d'autres hommes, même leur propre mari. Une histoire racontée de l'intérieur par une femme endoctrinée, qui vieillit mais qui, même lorsque Porter meurt, pense toujours être immortelle. Glaçant de vérité.

Duplicité
Deux femmes sont parties camper au milieu d'une jungle. Un jour, elles se retrouvent cernées par des êtres étranges, difformes. L'une d'entre elles pense qu'il s'agit de descendants d'extra-terrestres malencontreusement restés coincés sur la Terre. Tous les jours, ils viennent leur donner à manger et emmènent Alice avec eux. Jamais Tilly. Quand Alice revient, elle est éreintée, abîmée, elle ne dit rien, ne parle presque plus. Que lui font-ils subir ? Pourquoi elle et pas Tilly ? On ne le saura pas et c'est assez frustrant.

La porte aux fantômes
Une enfant s'est inventé un monde imaginaire qu'elle appelle la Chine et dans lequel elle se réfugie à volonté.

Pelican Bar
Norah est une ado difficile. Si difficile que ses parents décident de l'envoyer dans un établissement réputé pour redresser les ados ingérables, comme il en existe tant aux États-Unis. Mais l’établissement ne fonctionne pas comme les parents se l'imaginent. C'est au-delà de l’imaginable. Une nouvelle glaçante car basée sur la réalité. Très bien écrite mais qui laisse vraiment mal à l'aise.

Le recueil se conclut par un texte des traducteurs, Iuvan et Léo Henry, qui analysent les principales nouvelles de ce recueil. On y apprend entre autre pourquoi l'autrice a choisi le thème du pays imaginaire ou que les établissements tels que celui décrit dans Pelican Bar existent vraiment.

L'écriture est sèche, cinglante, parfois déroutante. Certaines histoires sont intrigantes, originales, d'autres poétiques, d'autres sombres. De nombreux thèmes sont abordés mais toutes sont fortement imprégnées de culture américaine. C'est une lecture exigeante car certaines nouvelles sont difficiles à comprendre. La plupart sont sombres, ne décrivant pas un monde vraiment aussi joli que le titre, ironique, nous l'annonce. Ce sont finalement celles avec des extra-terrestres et du mystère qui m'ont le plus plu.