Le temps des retrouvailles rassemble treize nouvelles de l'écrivain américain Robert Sheckley, parues à l'origine dans divers magazines de science-fiction entre 1953 et 1960 aux États-Unis.
Plusieurs de ces nouvelles ont pour point de départ des « Et si… » tout simples. Et s'il existait une émission de téléréalité dont le candidat aurait pour objectif de survivre à un gang de tueurs lâché à ses trousses (Le prix du danger) ? Et s'il était possible de séparer le ça et le moi du surmoi pour aboutir à trois individus indépendants (Le temps des retrouvailles) ? Et si le meurtre était rendu légal pour les gens dont la soif de violence ne saurait être assouvie autrement (La septième victime) ? Et s'il existait des vaisseaux spatiaux dont chaque système correspondrait à un être vivant (Les spécialisés) ? Et s'il suffisait d'empêcher la mort d'un seul homme dans le passé pour sauver le futur (Les morts de Ben Baxter) ? Et si la vérité, c'était le solipsisme (Tu brûles !) ? Dans tous les cas, le monde qui résulte de ces petites variations fonctionne plutôt bien... sauf pour leur protagoniste, qui se retrouve confronté à d'insolubles contradictions ou paradoxes susceptibles de le mener à sa perte. Le héros de La septième victime tombe amoureux de sa cible désignée, celui du Temps des retrouvailles éprouve les pires difficultés à convaincre les autres parties de son être de le rejoindre, et ainsi de suite. Rien d'étonnant à ce que plusieurs de ces textes aient donné lieu à des adaptations cinématographiques, ils sont parcourus d'une tension dramatique aussi intense que maîtrisée.
D'autres nouvelles ont pour thème commun une première rencontre avec divers extraterrestres. Le plus souvent, c'est l'incompréhension qui prime, avec des conséquences plus ou moins bénignes. Les habitants de Durell IV arriveront peut-être à établir des relations cordiales avec l'humanité malgré leur biochimie fragile (Tels que nous sommes), mais ceux de Cascella, avec leur manière très singulière de se battre, probablement pas (Une race de guerriers). Parfois, ce sont des humains en quête d'utopie qui se retrouveront plongés dans des sociétés parfaites, mais incompréhensibles pour eux, ce qui les conduira à devoir faire le deuil de leurs idéaux (Un billet pour Tranaï, La suprême récompense). La dernière nouvelle du recueil, Permis de marauder, constitue une inversion rigolote du paradigme en imaginant une communauté humaine coupée depuis longtemps de la Terre qui s'efforce de réapprendre des concepts aussi étranges que le vol ou le meurtre.
Dans l'ensemble, ces nouvelles restent étonnamment fraîches malgré leur âge. Certains éléments trahissent certes leur contexte d'écriture, comme le fait que tous les protagonistes sont des hommes hétérosexuels et que les femmes sont dans l'ensemble réduites à des rôles de figuration, mais pour le reste, le style alerte, l'humour acerbe et l'imagination débordante de Robert Sheckley rendent ces textes d'une lecture très agréable. Sur la forme, on regrettera un certain nombre de coquilles et autres erreurs qu'une relecture plus fine aurait pu et dû éliminer, mais pas de quoi entamer le plaisir qu'on prendra à parcourir cet excellent recueil de science-fiction.