Wade Norton est envoyé par Phil Chase, le "sénateur vagabond", son employeur, en Antarctique pour étudier la situation, au moment où le Traité de l'Antarctique est suspendu, en attente d'être renouvelé. Ou pas. De ce renouvellement, ou de cette fin, dépendent beaucoup de choses. Certains pays du Sud, pauvres en ressources naturelles propres, espèrent pouvoir exploiter les gisements de pétrole et de méthane de cet immense continent glacé et désert. Les savants espèrent pouvoir continuer leurs recherches pour en savoir plus sur la préhistoire de ce même continent : la controverse fait rage entre ceux qui estiment que la température y a énormément varié au fil du temps, et les "fixistes" qui jurent qu'il a toujours été recouvert de glace.
Il y a aussi ceux qui travaillent sur place, qui "font tourner la boutique" de McMurdo, notamment, la base américaine sur place, qui coordonne les visiteurs, quelle que soit la durée de leur séjour, y compris les touristes. En effet, des trekks sont organisés "Sur les traces de...", qui font revivre aux personnes en mal de frissons les grandes explorations historiques, celles de Scott ou d'Amundsen, notamment. C'est ce genre d'expéditions que guide Val Kenning. Mais l'Antarctique est un immense continent, et il s'y trouve d'autres gens, et d'autres lieux, que ceux qui figurent sur la carte de la coordonnatrice de McMurdo.
Le premier tiers du roman est informatif, mais quasi-totalement dénué d'action. Pour qui s'intéresse à l'Antarctique et/ou à l'écologie, ce n'est pas inintéressant à lire, mais c'est quand même longuet. Quand l'action démarre enfin, c'est à un rythme tout aussi glaciaire, et il n'y a guère qu'une vraie surprise dans tout le roman. Il faut aimer les sports de neige, les discussions politiques, ou l'écologie, pour venir à bout sans déplaisir de ce pavé.
Cela dit, on ne peut que saluer la façon dont l'auteur disait déjà il y a un quart de siècle que l'écologie qui n'aurait pas un versant de justice sociale ne marcherait pas, car c'est une idée qui semble encore trop novatrice - ou dérangeante - pour être véritablement entrée dans les mœurs ou du moins les réflexions politiques. Par ailleurs, les personnages sont plutôt bien réussis, notamment Jack et Ta Shu, dont le point de vue évoquera les Chroniques des années noires à ceux qui l'ont lu, et qui contrebalance agréablement l'ambiance très américaine du reste.
En somme, c'est un ouvrage de transition dans l'oeuvre de l'auteur, où l'on retrouve le sens du détail abondamment documenté, et les personnages nomades, de la trilogie martienne, le détour par l'Extrême-Orient des Chroniques déjà citées, et le souci de l'écologie qui a dominé la plupart de ses publications récentes, de la trilogie climatique à son dernier roman paru (non encore traduit en français) où l'on retrouve d'ailleurs l'Antarctique. C'est loin d'être son meilleur, mais il se laisse lire plaisamment.