Desiree et Stella Vignes sont jumelles ; malgré leur peau blanche et leurs yeux noisette, elles ne sont pas blanches et, dans les États-Unis des années 60, cela fait une grosse différence. Adolescentes, elles vont fuguer pour échapper à leur village natal et, après avoir commencé une nouvelle vie à la Nouvelle Orléans ensemble, leurs vies vont s’éloigner de manière radicale.
Desiree va épouser un homme qui finira par la battre, provoquant son retour dans le village de leur enfance, tandis que Stella se fera passer pour une blanche toute sa vie durant, redoutant que la supercherie ne soit découverte.
Quand Desiree revient chez sa mère, trainant avec elle sa fille, une enfant aussi noire que du charbon, elle n’a plus eu de nouvelle de sa sœur depuis quatorze ans. Elle ne sait pas où est Stella, mais son souvenir continue de la hanter.
S’étalant de la fin des années 60 au milieu des années 80, ce roman est une fresque magistrale sur l’identité, la filiation, la volonté d’être le maître de son destin et le besoin dévorant de trouver sa place dans une société réticente.
On s’attache très vite aux jumelles puis à leurs filles respectives, et on suit les méandres de leurs vies qui finissent toutes par converger vers un seul point : qui sont-elles ?
Une vie de mensonges et de cachotteries chez Stella, un retour à la maison pour Desiree, chacune, à leur manière, essaient de s’échapper du carcan qui les a oppressées : l’ex-mari de Desiree qui la battait, les racines noires de Stella, autant de blessures qu’elles cherchent à guérir chacune à leur manière.
En filigrane, tout au long de l’histoire, il y a le manque de sa moitié. Les jumelles n’avaient jamais été séparé, elles ont dû apprendre à vivre l’une sans l’autre, et ce manque va se ressentir tout au long de leur vie, qu’elles le veuillent ou non.
J’ai beaucoup aimé ce roman. L’autrice arrive à nous faire comprendre, par petites touches, ce que c’est qu’être noir dans une société qui vient tout juste de voter les lois anti-ségrégation. En mettant en scène deux filles qui pourraient se faire passer pour blanches, on découvre la difficulté à s’intégrer dans un monde blanc pour Stella, et le choix délibéré de Desiree de rester « à sa place ».
Ce roman est une vraie réussite, car il nous interroge sur nos propres racines personnelles, l’histoire des familles et comment, au fil du temps, les liens se nouent, se dénouent, évoluent, sans que, pour certains, le passé ne puisse être complétement occulté ou oublié.