Il existe un village isolé au creux d'un fjord islandais. Au nord, au sud, à l'est, la campagne. A l'ouest, l'océan. Un village qui n'a rien d'extraordinaire, si ce n'est qu'il n'a pas d'église ni de cimetière. C'est peut-être pour cela que les habitants vivent si vieux, ils ne savent pas où aller reposer leurs os.
Un village qu'on peut traverser en conduisant les yeux fermés tant il ne s'y passe rien. Pourtant, chacun des êtres qui y vit porte en lui une histoire qui mérite d'être racontée, ce que le narrateur se propose de faire à travers des chapitres consacrés particulièrement à l'un ou l'autre des habitants.
Dans ce microcosme, on retrouve les mêmes protagonistes d'une histoire à l'autre. Ils sont tantôt placés en pleine lumière, parfois à la périphérie, dans la pénombre. On les perçoit ainsi différemment au fil des histoires, sous des facettes qui diffèrent aussi selon l'angle adopté, celui du narrateur ou celui de ses voisins. Tel Jónas, cet être solitaire et transparent, que personne ne remarque jusqu'au jour où on découvre qu'il peint. Qui sait à part le narrateur la tragédie qu'il transporte dans son cœur, et qui offre au roman un des passages les plus poignants du roman ?
Tour à tour, on découvre les différents personnages, leurs drames, leurs rêves et leurs espoirs. Dans un village où la poésie du monde prend une dimension particulière grâce à l'écriture de Jón Kalman Stefánsson. Une écriture magnifique, d'une grâce folle, qui donne à chaque phrase une profondeur délicate. L'auteur sait mêler tragique et humour avec un talent inégalable. Il y a des scènes très tristes, qui fendent le cœur ; étrangement, on en redemande tant c'est beau.
Lire Jón Kalman Stefánsson, c'est se lover dans une parenthèse poétique, aux côtés de personnages uniques qu'on aimerait continuer d'apprendre à connaître. Aucune de leurs histoires n'est anodine car l'auteur sait insuffler de l'émerveillement dans le quotidien. A l'image de l'Islande, le feu côtoie la glace. Une telle expérience ne saurait être décrite, je vous invite donc à la vivre. Et c'est un coup de cœur, évidemment.