Après des années de silence, Champollion le Jeune a enfin repris contact avec lui. Il n'en faut pas plus à Lord Cochrane pour le rejoindre à Paris, même s'il court des risques ce faisant, car il est une fois de plus recherché en Angleterre, et les Français n'ont guère de raisons de protéger celui que Napoléon avait surnommé le Loup des Mers. Heureusement, il a de bons amis, qui l'accompagnent depuis des années, depuis ses aventures sud-américaines de libération du Chili, notamment.
En revanche, il va découvrir rapidement qu'il a, comme les frères Champollion, un ennemi puissant, le nonce apostolique, Mgr Albizzati. Celui-ci est convaincu de l'existence et de la divinité de Ctulhu, et veut récupérer le manuscrit de Jules César que possédait Napoléon, celui qui racontait le séjour du Romain sur l'île d'Aix puis dans R'lyeh. Alors que la Seine est sur le point de déborder et que Jean-François Champollion est lancé dans une course contre la montre pour sauver les antiquités égyptiennes du Louvre, une sinistre confrérie dont tous deux ignoraient jusqu'à l'existence garde en otage Jacques-Joseph, le frère du savant, qui bien sûr va demander au marin britannique de le sauver.
Ce deuxième tome des aventures du marin anglais se déroule en 1826, soit onze ans après les (més)aventures racontées dans le premier, Cochrane vs Ctulhu, situé en 1815. Il peut parfaitement se lire seul, même si à mon sens les relations entre les personnages, notamment entre Cochrane et Eonet, gagneront en profondeur pour ceux et celles qui auraient assisté à leur rencontre et leur premier combat côte à côte. A rebours, les lecteurs et lectrices de l'histoire précédente apprécieront de savoir ce qui était arrivé aux personnages après la fin du roman.
L'intrigue majeure de ce roman se déroule sur quatre jours. Comme elle comporte deux enlèvements, un naufrage, une course-poursuite et de multiples batailles, tant terrestres que maritime, entre autres, je n'étonnerai personne en disant que le rythme en est effréné, et m'a par moment laissée essoufflée. Pour autant, c'est en somme une caractéristique des romans d'aventures, comme l'est la résilience des personnages, apparemment imperméables au manque de sommeil et de nourriture. Heureusement pour le lecteur ou la lectrice qui ne partagerait pas ces caractéristiques, l'intrigue secondaire portée par le manuscrit de Jules César décrit une action moins frénétique, et permet des temps bienvenus de récupération, même si le rythme s'y accélère également vers la fin.
Les personnages sont l'un des points forts de ce roman, qu'il s'agisse des héros ou de leurs ennemis, dont le sadique colonel Lopez Guerrero. L'apparition du général San Martin, ennemi de Cochrane, mais qui ne l'en aidera pas moins pour sauver une vie, est un bon exemple de la complexité des personnages et de leurs relations. Cela dit, cette histoire reste un roman d'aventures, voué à distraire, ce qu'il fait à merveille, et ne prétend pas être un roman psychologique ! Que des personnages secondaires soient nommés Forester et Peck, dont les prénoms restent à deviner par le lecteur ou la lectrice, est assez typique du style de Villarroel, coutumier du clin d'oeil, et qui s'amuse avec l'histoire et la fiction. En revanche, un bémol pour moi a été la répétition de la périphrase "le marin audacieux" pour désigner Cochrane, qui revient vraiment beaucoup trop souvent à mon goût.
Pour les lecteurs et lectrices curieux.ses de la part de réel de cette histoire, et plus généralement de la construction du roman, je recommande très vivement la lecture des postface et notes de l'auteur, où il décrit la naissance de son roman, et où il cite les sources sur lesquelles il s'est appuyé, en expliquant par exemple son choix des dates des deux aventures de Cochrane publiées au format poche à ce jour : dans les deux cas, il s'agit de moments dans la vie du marin où sa vie a changé radicalement, mais qui sont peu ou pas documentés dans le détail, ce qui a permis à l'auteur de les investir pour imaginer une confrontation improbable - mais à la mesure de ce personnage plus grand que nature qu'a été Cochrane ! - avec l'univers créé par H.P. Lovecraft.
J'ai beaucoup aimé cet élément de continuité avec le premier volume qu'assure la belle couverture de Benjamin Carré. Si j'ai aussi apprécié la dédicace personnalisée de l'auteur sur le livre qui m'est parvenu, ce roman remplit parfaitement son rôle de divertissement, et ne manquera pas de plaire aux amateurs et amatrices du genre. Et puisque le retour de son héros est prévu, je me réjouis d'avance de lire ses prochaines aventures !