Les Chroniques de l'Imaginaire

Les New-Yorkaises - Wharton, Edith

Mrs Manford est une digne représentante de la haute société new-yorkaise. Ses journées sont rythmées par un programme ne laissant pas le moindre espace pour l'imprévu et encore moins la paresse. Les séances de manucure, de massage facial et de méditation se glissent entre les rendez-vous avec les associations, les marchands d'art, les guérisseurs, les discours de patronage... Même sa fille Nona a du mal à se faire une place dans cet emploi du temps serré.

Nona, celle qui ose porter la première un regard circonspect sur ce qu'elle voit autour d'elle. Sur sa mère en premier lieu, reine des abeilles dans sa ruche bourdonnante. Mrs Manford cultive le paraître et se montre. Quitte à se prendre les pieds dans le tapis en présidant à la fois une réunion en faveur de la natalité et une autre en faveur du contrôle des naissances. Nona assiste aussi impuissante au naufrage sentimental de son frère, marié à une danseuse qui rêve de cinéma et de frivolité tandis que lui se tue à la tâche au travail pour faire vivre leur ménage. Lita et Nona sont pourtant très amies. On sent d'ailleurs que Nona envie la jeune femme qui refuse de se laisser corseter et n'aspire qu'à vivre comme elle l'entend.

Edith Wharton est issue de la bourgeoisie new-yorkaise et il est évident qu'elle sait de quoi elle parle. Elle connaît ce monde qu'elle décrit à merveille, celui des sourires, des courbettes, des crédulités d'enfant (Mrs Manford et son guérisseur), des réceptions, des mondanités, des verres de champagne et des belles toilettes. Mais ce sur quoi l'autrice s'attarde, c'est sur toutes les craquelures qui fendillent le vernis. Les hypocrisies et les faux problèmes qui ne sont que futilités. La façon de les résoudre qui n'a pour objectif que de sauver les apparences.

Chaque personnage appartient à ce milieu depuis toujours et fait malgré tout penser à un bateau malmené par les flots. Il n'y a jamais de réelle stabilité et le moindre coup de vent prend vite des allures de tempête tant leurs destins sont censés rester dans le cadre bien calibré des exigences de leur milieu. Avec une ironie douce et somme toute bienveillante, Edith Wharton parvient à percer à jour les artifices des New-Yorkaises.

Ce roman n'est pas le plus connu de l'autrice et il a un goût d'inabouti. La fin est en-deçà de l'ensemble de l'histoire qui reste relativement superficielle. Pour autant, Les New-Yorkaises est une mise-en-bouche intéressante qui offre une incursion acide dans les années folles de la haute société américaine et donne envie de goûter ses œuvres plus emblématiques, à commencer par Le temps de l'innocence.